Le retrait de toutes les annonces illégales de la plateforme de location Airbnb, ce mardi, est susceptible de provoquer le retour de centaines d’appartements sur le marché de la location à long terme, partout au Québec, alors que la crise du logement est source d’inquiétude dans de nombreuses villes.

C’est du moins ce qui s’est produit à Toronto, à Vancouver et à d’autres endroits où des lois et des règlements ont été implantés pour limiter la location de courte durée, souligne Josephine Fueser, chercheuse torontoise membre du groupe Fairbnb Canada, qui milite contre de telles plateformes en raison de leurs effets pervers sur le marché de l’habitation.

« Le niveau d’activité d’Airbnb a un immense impact sur le marché locatif local », dit Mme Fueser.

À Toronto, un règlement a été adopté en 2017 pour mettre au pas cette industrie, mais les autorités ont mis peu de moyens pour le faire respecter, selon la chercheuse. C’est depuis la pandémie que les effets se sont fait sentir : en janvier 2020, 15 020 annonces de logements à court terme étaient actives quotidiennement sur Airbnb, alors qu’il y en a 4600 aujourd’hui, pour des logements détenant presque tous un permis, selon le site Inside Airbnb.

Transfert de logements

« En utilisant des techniques de reconnaissance d’images, nous avons identifié 3476 annonces d’Airbnb qui ont été affichées pour de la location à long terme sur les plateformes Craigslist ou Kijiji entre mars et décembre 2020, » indique une étude faite pour la Ville de Toronto, publiée en février 2021 par un groupe de chercheurs en politique urbaine de l’Université McGill, mené par le professeur David Wachsmuth.

L’étude souligne cependant que 8400 logements sont restés sur la plateforme Airbnb, mais pour des locations de plus de 28 jours, ce qui les soustrait aux règles sur les locations à court terme.

PHOTO LIONEL BONAVENTURE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

À Vancouver, il y avait 6000 appartements en location à court terme sur Airbnb en janvier 2018, peu avant que la Ville n’exige que la plateforme retire les annonces sans permis, ce qui a eu un effet immédiat. Aujourd’hui, 3500 logements sont annoncés en location de courte durée.

Là aussi, l’équipe du professeur Wachsmuth a réussi à retrouver environ 1310 logements précédemment annoncés pour la location à court terme qui étaient maintenant offerts en location à long terme.

Le même phénomène devrait se produire au Québec, prédit Murray Cox, fondateur du site Inside Airbnb, qui présente des données tirées de la plateforme de location pour nombre de villes dans le monde.

Impossible de s’enregistrer

« Je sais qu’à Montréal, il y a de nombreux secteurs où il est interdit de faire de la location de courte durée, comme le Vieux-Montréal, lieu de l’incendie mortel », dit-il en entrevue, de l’État de New York. « Alors ces personnes ne réussiront pas à s’enregistrer » et se tourneront vers le marché locatif traditionnel, selon lui.

En décembre 2022 à Montréal, on trouvait sur Airbnb 13 913 annonces, dont 7344 ayant été actives au cours de la dernière année, selon une compilation faite par La Presse à partir du site Inside Airbnb. Sur ces 7344 logements, 6400 n’étaient pas enregistrés auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), soit 88 %, et étaient donc illégales.

La majorité de ces logements exploités à des fins commerciales sont situés dans des secteurs où le zonage municipal n’autorise pas les résidences de tourisme et ne pourront donc pas s’enregistrer auprès de la CITQ.

Selon M. Cox, il n’y a pas eu, ailleurs, de transfert d’annonces à court terme vers d’autres plateformes de location en ligne, comme Marketplace ou Kijiji. Mais c’est une possibilité, ce qui prouve l’importance pour le gouvernement du Québec d’aller de l’avant avec le resserrement annoncé de sa loi, même si Airbnb collabore, dit-il.

Il a été impossible de savoir combien d’annonces sans numéro d’enregistrement Airbnb allait retirer au Québec ce mardi. Un porte-parole a cependant précisé que les réservations déjà effectuées avant le 28 mars seraient honorées, même s’il s’agit de logements dont les annonces disparaîtront.

Lisez « Airbnb retirera toutes les annonces illégales au Québec »
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  • 3476
    Nombre de logements de Toronto affichés sur Airbnb en location à court terme qui se sont ensuite retrouvés sur le marché de la location de longue durée
    SOURCE : Ville de Toronto
    1310
    Nombre de logements de Vancouver affichés sur Airbnb en location à court terme qui se sont ensuite retrouvés sur le marché de la location de longue durée
    SOURCE : Ville de Vancouver