Un ex-maire de Montréal connu pour son caractère jovial a été sérieusement blessé dans un violent épisode de rage au volant, selon un jugement qui vient d’être rendu public et qui condamne son agresseur à trois mois à purger dans la collectivité.

Laurent Blanchard (maire intérimaire de la métropole pendant quatre mois, en 2013) a subi trois fractures au visage lorsque l’automobiliste Philippe Gimonet lui a asséné un coup de poing, en juin 2020. L’évènement n’avait jamais été rendu public jusqu’à maintenant.

« Hey vieux criss. Qu’est-ce que tu as fait ? Je vais te tuer, mon tabarnak », a lancé l’agresseur à M. Blanchard avant de le frapper, selon la décision de la juge Annie Claude Chassé de la cour municipale de Montréal. M. Blanchard – lui aussi au volant – venait d’ouvrir sa portière d’auto en accrochant par inadvertance la voiture de M. Gimonet.

« Je circulais sur la rue Hochelaga », s’est rappelé M. Blanchard, lundi, en entrevue téléphonique. Après la première altercation, l’ex-élu s’est éloigné pour appeler le 911, mais son agresseur l’a rattrapé et lui a barré la route. « On est en juin, alors j’avais la fenêtre baissée. Il en a profité pour me donner un coup de poing et se sauver. »

Son numéro de plaque [d’immatriculation], c’était son nom de famille… Alors il n’a pas été compliqué à trouver.

Laurent Blanchard, ancien maire de Montréal

Au nombre des facteurs aggravants pour Philippe Gimonet : l’ampleur des blessures subies par le 43e maire de Montréal, âgé de 68 ans au moment des faits. « J’ai eu une triple fracture de la joue si je me souviens bien, un bel œil au beurre noir, j’ai dû manger mou pendant un mois », a relaté M. Blanchard. Il a été opéré à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Encore aujourd’hui, il vit avec des apparitions de taches noires dans sa vision et « la crainte, quand une auto se met à côté » de la sienne, que l’expérience se reproduise.

L’agresseur n’a pas reconnu Laurent Blanchard.

Lettre d’excuses et thérapie

Philippe Gimonet, un jeune homme de 26 ans avec un passé difficile, a plaidé coupable à des accusations de menaces et de voies de fait causant des lésions. Il demandait une absolution conditionnelle à la justice. « Toute autre peine occasionnerait la perte d’emploi de son client », qui travaille dans la zone sécurisée de Montréal-Trudeau, a expliqué la défense.

La juge Chassé a toutefois refusé.

« Une personne raisonnable et bien renseignée perdrait confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’accusé était absous d’une agression ayant causé des lésions sérieuses à une personne vulnérable, un homme âgé de 68 ans, dans un contexte de rage au volant, a-t-elle écrit. Bien que ponctuelle, l’agression ne résulte pas uniquement de gestes irréfléchis de la part de l’accusé. Il a agi sous l’influence de la colère en toute connaissance de cause. La gravité des infractions commises par M. Gimonet est importante. »

Elle l’a plutôt condamné à une peine de trois mois à purger dans la communauté. Pendant cette période, il doit se trouver à domicile en tout temps, sauf pour travailler. Il sera en probation pour les trois prochaines années et ne pourra posséder d’arme à feu pendant la prochaine décennie.

MAnthony El-Haddad, l’avocat de l’agresseur, a fait valoir que son client était tout de même satisfait de la décision de la cour municipale.

« M. Gimonet tenait à reconnaître sa culpabilité. Il a rédigé une lettre d’excuses et il a entamé de la thérapie pour travailler sur lui-même dès l’arrestation », a dit l’avocat en entrevue téléphonique. Il n’y aura pas d’appel.

Pince-sans-rire

Laurent Blanchard est devenu maire de Montréal en juin 2013, après l’arrestation de son prédécesseur Michael Applebaum par l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Montréal, plongé dans une grave crise politique, en était alors à son troisième maire en moins d’un an.

L’élu d’Hochelaga-Maisonneuve avait promis une « transition tranquille » jusqu’au scrutin de l’automne 2013, qui a couronné Denis Coderre. M. Blanchard était jusqu’alors président du comité exécutif et avait été choisi par le conseil municipal de Montréal pour prendre du galon.

« C’est vertigineux, exaltant et angoissant, mais je me console que je n’en ai que pour quatre mois », avait blagué Laurent Blanchard, connu pour son humour pince-sans-rire, en prêtant serment.

Élu localement pour la première fois en 2005, Laurent Blanchard avait été battu dans son district aux élections municipales de 2013.