Experts, organismes et citoyens demeurent « sceptiques » quant à la qualité du service rendu dans le métro et les autobus à court terme, après la réduction des dépenses annoncée par la Société de transport de Montréal (STM). La mairesse Valérie Plante, elle, se range derrière l’opérateur et assure que la fréquence du service ne sera « absolument pas » touchée.

« On espère bien que le service ne sera pas affecté. On a envie d’y croire, mais c’est sûr qu’on est sceptiques actuellement », avoue Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec, organisme qui défend les droits des usagers du transport collectif. Dans les derniers jours, des citoyens ont d’ailleurs fait part de leurs doutes sur les réseaux sociaux.

Mardi, la STM a annoncé des coupes d’environ 18 millions cette année pour faire passer son manque à gagner de 78 millions à 60 millions. Les principales coupes toucheront des pratiques internes : réorganisation des horaires, réduction des heures supplémentaires, report de campagnes de communication ou encore de programmes de formation.

« Avec les mêmes ressources, on veut faire mieux », a résumé le président du C.A., Éric Alan Caldwell, promettant que le niveau de service demeurerait inchangé. La mairesse Plante a aussi assuré mercredi que les coupes n’affecteraient « absolument pas » la qualité et la fréquence du service. Elle a toutefois réitéré l’urgence de trouver une « solution à court terme » à la crise du financement.

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Il faut qu’il y ait une solution à court terme concernant le déficit de la STM qui est lié directement à la baisse de fréquentation à cause de la pandémie. Ce n’est pas en lien avec des raisons de mauvaise gestion ou de choix. Ce que vit Montréal, toutes les autres sociétés de transport le vivent aussi », a rappelé Mme Plante.

« On a besoin que le gouvernement nous dise qu’il y croit, [au] transport en commun », a-t-elle persisté.

Répercussions pour le métro… et l’entretien

En réponse aux questions sur les postes touchés par cette réorganisation, la société de transport précise par courriel que « la réduction [des heures] supplémentaire[s] passe principalement par une optimisation des activités de soutien au déplacement, assurées par du personnel d’exploitation métro ».

« Les prévisions d’achalandage métro oscillant entre 70 et 80 % pour 2023, la priorisation de ce type d’activité a été révisée, puisque l’objectif est de favoriser la fluidité des déplacements dans un contexte de fort achalandage. Pour ce qui est de la refonte des horaires, cette mesure concerne notamment les préposés à l’entretien sanitaire, en respect des conditions des conventions », dit le porte-parole Renaud Martel-Théorêt.

Quels que soient les postes touchés, il faudra ultimement et surtout « s’assurer que l’expérience usager continue d’être intéressante », rappelle Mme Doyon à ce sujet. « Si on coupe dans l’entretien et que ça donne des bus ou des métros beaucoup moins propres au bout du compte, ce ne sera pas du tout attrayant pour les usagers », songe la gestionnaire.

Quand on reporte une campagne de communication, on comprend que ça n’affecte pas le service. Mais quand on réorganise les horaires, qu’on diminue [les heures supplémentaires], comment ça n’affecte pas le service ?

Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

« On déplore que la STM et les autres sociétés de transport aient à faire des coupes, dans un contexte financier dans lequel elles n’ont pas le choix d’évoluer. Ça prend de la prévisibilité pour répondre à l’incertitude. Avec les consultations en mars, et le budget provincial, on espère avoir de bonnes nouvelles », avance toutefois Mme Doyon.

« On arrive sur l’os »

Selon Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, le risque de devoir diminuer le service est très présent. « C’est sûr que si c’est persistant, ça va finir par avoir un impact. Et selon moi, ça va être persistant. Il y a toujours du gras dans les budgets, mais une fois qu’on a enlevé une couche et une autre, éventuellement, on arrive sur l’os », illustre-t-il.

Plus le temps avance, « plus reporter des investissements ne sera plus suffisant pour rééquilibrer les finances en transport collectif », croit M. Meloche, en appelant à une réflexion « beaucoup plus profonde ».

L’expert en planification des transports et chargé de cours Pierre Barrieau abonde lui aussi en ce sens. « C’est comme si on poussait à plus tard les problèmes, en espérant le mieux. Peut-être que dans quelques mois, le gouvernement va annoncer du financement supplémentaire, mais en attendant, les coupes sont toujours assez inquiétantes », estime le spécialiste.

« Il faut vraiment s’assurer que le plan pour rattraper le retard l’année prochaine sera robuste. En aucun cas, il ne faut retourner dans le cycle de retards d’entretien des années 1980-1990, qui a pris des années et des années à reprendre. Ça peut miner la relance à long terme », conclut M. Barrieau.