(Québec) La reconstruction du pont de l’Île-aux-Tourtes, dans l’ouest de la métropole, est en voie de coûter beaucoup plus cher que prévu. La facture avoisinerait maintenant les 2 milliards de dollars, en hausse d’environ 45 %.

On sait déjà que l’inflation et la surchauffe dans l’industrie de la construction font gonfler les coûts de nombreux ouvrages en ce moment. Mais la flambée de la facture estimée pour reconstruire le pont de l’autoroute 40 qui franchit le lac des Deux Montagnes s’annonce exceptionnelle.

Le projet consiste à construire un nouveau pont au nord de l’infrastructure actuelle, qui sera ensuite démantelée. Dans chaque direction, il y aurait trois voies de circulation pour les automobiles et les camions de même qu’un accotement de quatre mètres pouvant être utilisé par des autobus. Une « piste polyvalente » de même largeur doit être aménagée pour les vélos et les piétons. Le nouveau pont serait plus large que l’actuel, d’une dizaine de mètres environ.

À la suite d’un appel de qualification tenu en 2021, trois firmes ont été retenues à titre de candidates pour réaliser le projet. Elles ont été invitées à répondre à l’appel d’offres lancé en mars 2022. Le processus a pris fin en décembre.

Comme le veut la procédure, Québec n’a pas divulgué le coût estimé du projet. Il avait autorisé une dépense d’un maximum de 1,4 milliard de dollars, selon nos informations.

Or, le prix serait environ 45 % plus élevé, selon les résultats de l’appel d’offres. On se situerait autour de 2 milliards de dollars.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, n’a ni confirmé ni infirmé ces informations. Elle a expliqué que le contrat n’était pas signé et que des discussions étaient toujours en cours.

« Identité distinctive »

En plus de l’inflation et des conditions du marché de la construction, une source met en cause les exigences architecturales imposées par Québec pour expliquer cette augmentation.

Le futur pont doit être « porteur d’une identité distinctive », peut-on lire dans « l’énoncé de la vision architecturale » du projet. Ce sera une « infrastructure durable présentant une architecture distincte qui misera sur une intégration harmonieuse au paysage, dans un souci de respect de la qualité du milieu naturel environnant. Le traitement architectural et les aménagements contribueront à améliorer l’expérience de parcours des usagers du pont et la perception de l’infrastructure », ajoute cet énoncé adopté en 2020.

Québec est acculé au mur. D’autres options que la reconstruction avaient été étudiées, mais écartées.

La réfection de la structure actuelle serait presque aussi coûteuse et prolongerait sa durée de vie de seulement 15 ans. Le ministère des Transports concluait même que l’opération présentait un niveau de risque élevé.

Une reconstruction paraît donc incontournable. Et Québec n’a pas les moyens de traîner. Le ministère des Transports a recommandé dès 2018 qu’un « projet d’intervention majeure soit entrepris le plus rapidement possible » en raison de la multiplication des « déficiences » qu’il a observées sur le pont dans les dernières années.

Une infrastructure « en fin de vie »

En service depuis 1965, le pont entre Senneville et Vaudreuil-Dorion est en piètre état. Le diagnostic du Ministère est clair : cette infrastructure de deux kilomètres est « en fin de vie ».

Son entretien coûte une petite fortune. Depuis 2016, Québec a dépensé 142 millions de dollars pour réparer des poutres et des dalles, entre autres. Il a réservé des sommes supplémentaires de 41 millions cette année et de 193 millions pour les suivantes afin de réaliser des travaux de renforcement.

Facture totale estimée, selon le Plan québécois des infrastructures : 376 millions. C’est l’équivalent du coût moyen de construction de dix écoles primaires.

Fin décembre, Québec a décrété la fermeture d’une voie dans chaque direction en raison de « la progression de certaines fissures existantes sur le côté du pont en direction de Vaudreuil-Dorion ». Il y avait eu fermeture d’urgence du pont en mai 2021 pour des raisons de sécurité.

Les mesures mises en place par le ministère des Transports suscitent la grogne dans les municipalités de la région, où la congestion routière est importante aux heures de pointe. En raison des travaux sur le pont, l’autoroute 20, qui se transforme en boulevard dans le secteur de Vaudreuil-Dorion, est maintenant fortement achalandée. On réclame une voie de contournement.

Le pont de l’Île-aux-Tourtes est un lien routier stratégique entre l’ouest de la Montérégie et l’île de Montréal, y compris pour les échanges commerciaux. Près de 87 000 véhicules l’empruntaient chaque jour avant la pandémie, dont 10 % de camions, selon les données de 2019. C’est à peu près le même nombre que sur le pont Jacques-Cartier.

Avec Maxime Bergeron, La Presse

En savoir plus
  • 74 000
    Nombre de véhicules qui empruntaient chaque jour le pont de l’Île-aux-Tourtes en 2021, selon les données du MTQ (contre 145 000 pour le pont Samuel-De Champlain)
    4,2 milliards
    Coût de construction du pont Samuel-De Champlain, qui a 3400 m de longueur