Évènement exceptionnel, la mairesse Valérie Plante et son chef de police Fady Dagher témoigneront devant la justice dans les prochains jours, afin de s’expliquer sur leurs actions en matière de profilage racial, a appris La Presse.

Les deux personnalités ont été assignées à comparaître dans le cadre d’une action collective de 171 millions menée au nom de citoyens racisés interpellés disproportionnellement plus souvent par la police.

En plus de Mme Plante et de M. Dagher, la présidente du comité exécutif de la Ville, Dominique Ollivier, le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, et l’ex-chef de police Sylvain Caron devront aussi se présenter devant la juge Dominique Poulin, de la Cour supérieure. Le procès s’ouvre ce mercredi.

C’est la poursuite, menée par la Ligue des Noirs du Québec et représentée par MMike Diomande, qui les a assignés à comparaître. Selon l’avocat, ces témoins potentiels n’ont pas contesté leur convocation.

Ils seront interrogés sur le fait « qu’il n’y a eu aucune action véritable dans les 40 dernières années pour mettre un terme au profilage racial », a affirmé MDiomande, pour expliquer sa décision de convoquer les poids lourds de la Ville et de la police.

Au cabinet de Valérie Plante, on confirme la présence de la mairesse au procès. « Le racisme et les discriminations systémiques existent et doivent être combattus sous toutes leurs formes », a indiqué son attachée de presse, Catherine Cadotte.

C’est une priorité de notre administration, et c’est pourquoi la mairesse de Montréal et la présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, collaboreront pleinement aux audiences.

Catherine Cadotte, attachée de presse à la Ville de Montréal

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a aussi confirmé à La Presse que son chef actuel et son prédécesseur « seront appelés à témoigner lors de ce procès ». « Le SPVM tient à réitérer l’importance qu’il accorde à la lutte contre le profilage racial et social », a ajouté l’organisation.

La Fraternité des policiers et policières de Montréal n’a pas rappelé La Presse.

« Manque flagrant de résultats »

Dans ce dossier, la poursuite reproche aux policiers du SPVM de faire preuve de « profilage racial systémique » en interpellant sans motifs valables des individus issus de minorités visibles.

« Les fautes et les manquements de la défenderesse à faire cesser cette pratique systémique du profilage racial à l’encontre des personnes racisées ont causé les dommages subis », indique la poursuite, qui a passé le stade de l’autorisation en 2019. « Les demandeurs constatent un manque flagrant de résultats dans les moyens mis en œuvre par la défenderesse pour lutter efficacement contre le profilage racial systémique au sein du SPVM. »

La Ligue des Noirs mène son action collective en mettant de l’avant le cas d’Alexandre Lamontagne, un jeune Noir arrêté le 14 août 2017 à la sortie des bars, rue Saint-Jacques. Après une altercation, il a été mis à l’amende pour avoir crié dans la rue, pour avoir marché ailleurs que sur un trottoir et pour avoir refusé d’obéir aux ordres de la police.

Dans la foulée, il a aussi été arrêté et transporté jusque dans un poste de police pour entrave au travail d’un policier et voie de fait sur un policier. La poursuite dénonce une arrestation illégale, « brutale », avec « un usage excessif et déraisonnable de la force ». Les accusations ont été abandonnées.

La Ligue des Noirs demande un versement de 5000 $ par personne racisée interpellée injustement à Montréal dans une période visée, pour un total de 170 millions.

Le profilage « loin d’être systématique »

S’ils s’en tiennent à la défense des avocats de la Ville de Montréal, Mme Plante et M. Dagher devraient témoigner que le service de police s’attaque à la question des discriminations raciales depuis plus de 30 ans.

« La Ville de Montréal, le SPVM, leurs représentants et leurs préposés ont en tout temps pertinent aux présentes agi raisonnablement et de bonne foi », fait valoir la défense dans un document judiciaire qui détaille la chronologie des plans d’action, politiques et formations adoptés au fil des ans.

La police a « pris les moyens pour tenter de contrer le profilage racial, conscient ou plus souvent qu’autrement, inconscient », continue la défense. « Toutefois, les gestes de profilage racial sont loin d’être systématiques et constituent l’exception plutôt que la règle. »

Quant à l’arrestation d’Alexandre Lamontagne, la Ville plaide qu’il s’agit d’une situation banale qui a dérapé à cause de l’attitude du jeune homme.

« Lamontagne n’a pas été traité différemment par les policiers, à quelque moment de l’intervention, que l’auraient été, dans les mêmes circonstances, des personnes appartenant aux groupes non “racisés” », plaide la Ville, qui décrit un individu véhément qui refuse de se laisser passer les menottes.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse