Plus de 600 musiciens sont désormais inscrits auprès de la Société de transport de Montréal (STM) pour jouer dans le métro, soit trois fois plus qu’avant la pandémie.

Grattements de guitares, notes de pianos et envolées de violons : les musiciens qui s’affairent dans les couloirs souterrains de Montréal sont encouragés par l’arrivée des Fêtes, mais aussi inquiets des effets de l’inflation sur les portefeuilles.

Il ne reste plus que quelques jours avant Noël. À la station de métro Jean-Talon, en ce mercredi soir, le grondement des wagons se mêle au brouhaha des passants affairés qui se déversent entre les lignes bleue et orange.

À travers la cacophonie, des airs populaires résonnent. La soirée s’est bien passée pour Paul de Rita, qui joue de la guitare électrique à Montréal depuis une dizaine d’années.

« Ces derniers jours, j’ai eu de la chance », se réjouit-il. « Aujourd’hui, quelqu’un m’a même déposé 100 $ ! », ajoute-t-il en montrant le billet brun soigneusement mis de côté.

L’habitué reconnaît que l’achalandage n’est pas le même dans le métro montréalais depuis la pandémie. Il observe aussi que les voyageurs ont soif de musique.

J’ai l’impression que les gens ont été très renfermés pendant la COVID, donc maintenant ils sont plus sensibles à mon art.

Paul de Rita, musicien dans le métro

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Quelques chanteurs du chœur Les Oisifs, installés à la station Berri-UQAM

Fin novembre, la Société de transport de Montréal (STM) indiquait que l’achalandage dans les bus et métros de la métropole atteignait 69 % du niveau prépandémique la semaine, et 79 % la fin de semaine.

N’empêche, il faut désormais plus de temps de prestation à Paul de Rita pour retrouver la même somme dans ses poches.

Jouer dans le métro, de plus en plus populaire

Après avoir été exclus du transport public pendant la pandémie, les musiciens ont pu retourner dans les couloirs du métro à la fin novembre 2021. Dans la foulée, la STM a aussi lancé une nouvelle formule en ligne pour réserver des plages horaires.

Les personnes intéressées n’ont qu’à ouvrir un compte gratuitement sur le site de la STM pour réserver jusqu’à dix plages horaires sur une période de sept jours. Auparavant, elles devaient se rendre au métro aux premières heures du matin pour inscrire leurs noms sur des feuilles de papier.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Une chanteuse du groupe Les Oisifs

Depuis l’instauration du nouveau système, « plus de 600 personnes ont créé un compte », indique par courriel Philippe Déry, des relations publiques de la STM.

C’est une excellente nouvelle, puisqu’on estime qu’avant la pandémie environ 200 musiciens se produisaient dans le métro. Le nombre potentiel d’artistes aurait donc triplé !

Philippe Déry, porte-parole de la STM

Parmi les nouveaux venus, on trouve Philippe Bortsov-Soushko, âgé de 24 ans, qui y fait des prestations depuis l’été dernier. Mercredi soir, installé derrière son clavier en haut des marches à la station Laurier, il enchaîne les classiques du temps des Fêtes.

« Le répertoire est différent pour le ballet, explique celui qui travaille comme musicien pour l’École supérieure de ballet du Québec. Moi, je viens ici pour jouer devant du monde et explorer ma créativité. »

Un passe-temps payant ? « Je m’attendais à un peu plus », reconnaît-il.

À la station Place-des-Arts, quelques chanteurs du chœur Les Oisifs installent aussi leur matériel devant la murale de verre de Frédéric Back.

« C’est un groupe qui est né pendant la pandémie d’un besoin criant de faire de la musique », explique Marybelle Frappier, l’une des membres, coiffée d’un bonnet de père Noël. Les quelques chanteurs entament bientôt des chants baroques, a capella. « On s’est dit qu’au lieu de répéter dans notre coin, on allait venir répéter en public », renchérit-elle.

Une année plus difficile en vue

Pour les musiciens de rue qui vivent des revenus de leurs prestations, l’année s’annonce toutefois difficile, déplore Daniel Lalonde, président du Regroupement des musiciens du métro et de la rue de Montréal.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Daniel Lalonde, président du Regroupement des musiciens du métro et de la rue de Montréal, en novembre 2021

J’ai remarqué que les années passées, les gens avaient un peu plus d’argent à donner.

Daniel Lalonde, président du Regroupement des musiciens du métro et de la rue de Montréal

Les Québécois doivent se serrer la ceinture en raison de l’inflation et de l’augmentation du coût de la vie, et ça se reflète dans les dons, estime le musicien. La baisse de fréquentation dans le métro et le fait que les voyageurs ont moins d’argent comptant sur eux contribuent aussi, selon lui, à la baisse des revenus.

« ​​Il y a plusieurs facteurs qui jouent contre nous. En ce moment, ce n’est pas le Klondike, mais on s’ajuste, on va se serrer la ceinture nous autres aussi. »

Son objectif, après tout, n’est pas que pécuniaire. « J’aime voir les gens passer devant moi, je leur fais des chansons qui ont de la vie, affirme le musicien. Il y en a qui arrêtent, qui mettent leur sac à terre, qui dansent, et ça me fait bien plaisir ! »

En savoir plus
  • 50
    Nombre approximatif d’emplacements disponibles dans le métro de Montréal pour les musiciens
    Société de transport de Montréal
    90 minutes
    Temps alloué pour jouer à un emplacement depuis le 1er décembre 2022. Il était de 120 minutes auparavant.
    Société de transport de Montréal