(Montréal) Souhaitant éviter d’avoir « l’air de cautionner » le surplace de l’Archidiocèse de Montréal, la juge à la retraite Pepita Capriolo démissionne du Comité de transition. En parallèle, l’ombudsman dénonce des délais « interminables » et d’autres problèmes dans le traitement des plaintes pour abus.

Dans un rapport publié lundi, l’ombudsman de l’Archidiocèse de Montréal, MMarie Christine Kirouack, dénonce des délais qui « inquiètent et fragilisent nos plaignants et remettent en question toute leur confiance dans le système de traitement des plaintes », qui portent notamment sur des agressions sexuelles, physiques, psychologiques, financières et spirituelles.

Elle cite par exemple des lettres qui n’ont pas été transmises, des suspensions qui n’ont pas été décrétées et une enquête qui n’a pas été enclenchée des mois après des recommandations en ce sens. L’ombudsman, qui soulignait une « amélioration du processus » dans son précédent rapport en août, constate que « tel n’est plus le cas ». Elle dénonce aussi des fuites et des entraves à son travail dans les derniers mois.

La juge Capriolo « partage entièrement » les constats de l’ombudsman, a-t-elle dit en entrevue avec La Presse, et ajoute ses propres doléances. Autrice d’un rapport accablant sur les abus sexuels du prêtre Brian Boucher en 2020, elle a démissionné du Comité de transition responsable de mettre en œuvre les 31 recommandations du rapport.

« Ma confiance a été entamée par l’ensemble de ces dysfonctionnements qui ont perduré malgré mes nombreuses interventions », écrit la juge dans une missive datée du 7 décembre annexée au rapport de l’ombudsman. « Je ne peux continuer de participer à une instance qui est soumise à des pressions contradictoires. »

Elle persiste et signe en entrevue. « Aussi longtemps que je restais là, j’avais l’air de cautionner. Pour moi, c’était devenu inacceptable », tranche-t-elle.

La vaste majorité des recommandations de son rapport sont faites sur papier, dit-elle, « mais l’exécution ne suit pas nécessairement l’écrit », notamment en ce qui concerne la transmission des documents, les sanctions et la formation des membres du personnel quant aux agressions.

« J’ai été rencontrer l’archevêque et je lui ai dit de prendre garde, parce qu’il y a des gens qui ne veulent pas le succès de toute cette entreprise », raconte la juge Capriolo. Elle ajoute que l’archevêque, Mgr   Christian Lépine, est de « bonne foi », mais qu’il est « extrêmement mal conseillé ». Elle refuse toutefois de nommer ces mauvais conseillers, et dit garder espoir qu’un réel changement ait lieu.

Entraves au travail de l’ombudsman

Depuis son entrée en fonction en mai 2021, l’ombudsman a reçu 188 plaintes, y compris 41 concernant des agressions sexuelles. D’autres plaintes ne visent pas des membres du clergé, mais concernent plutôt la tenue de funérailles et les recherches généalogiques, par exemple.

MKirouack indique que son archiviste, un employé essentiel à son travail, a été menacé de mise à pied après « avoir osé demander une augmentation » qui lui avait été promise. Un autre employé du diocèse a porté plainte au Barreau contre l’ombudsman après avoir temporairement suspendu les accès informatiques de l’archiviste.

« En prenant ce travail, je savais que je ne gagnerais pas en popularité, mais de là à être l’objet de plaintes au Barreau, il y a une marge », écrit-elle dans son rapport.

L’ombudsman fait un lien entre ces bâtons dans les roues et le fait « qu’avec l’aide et le soutien indéfectible de l’archiviste, je trouvais de plus en plus de dossiers qui n’ont pas été traités de façon satisfaisante par le passé et même des listes contemporaines d’abuseurs sexuels (sur mineur et sur majeur) dans lesquels il a été décidé de ne pas agir ».

MKirouack dénonce également le fait qu’il ait fallu près de trois mois et autant de plaintes de sa part avant de relever de ses fonctions un vicaire épiscopal à l’origine de fuites externes de courriels contenant des informations confidentielles sur les plaignants. Le vicaire s’est également ingéré dans le processus de plainte au mépris du protocole établi, écrit l’ombudsman.

L’Archidiocèse a refusé de répondre aux questions de La Presse « afin de respecter » l’indépendance de l’ombudsman.

En savoir plus
  • 64
    Le Comité consultatif chargé de l’étude des plaintes d’abus a été saisi de 64 plaintes formelles visant 69 personnes. La majorité d’entre elles (41) concernent des abus sexuels.
    Rapport cumulatif de l’Ombudsman de l’Archidiocèse de Montréal