L’Église montréalaise a été de nombreuses fois informée, sur une période de 30 ans, d’allégations de pédophilie contre Brian Boucher, cet ancien prêtre condamné l’an dernier à huit ans de prison pour avoir agressé deux garçons. C’est ce que conclut un rapport d’enquête rédigé par une ancienne juge de la Cour supérieure, Peipita G. Capriolo.

« Des rumeurs au sujet de son intérêt malsain envers de jeunes garçons circulaient depuis les années 1980 et avaient été communiquées aux autorités du Grand Séminaire de Montréal et de l’Archidiocèse, conclut la juge Capriolo. Plus tard, ces rumeurs sont devenues plus concrètes : on avait observé Boucher entretenir une relation intime et inquiétante avec un jeune garçon à la fin des années 90. »

Boucher a été envoyé à cinq reprises voir un psychologue pour ces problèmes. Il faisait même partie en 2002 d’une liste de « prêtres problématiques », « sous la rubrique Pédophilie ». Il a terrorisé ses collègues et la hiérarchie de l’Église catholique, dont plusieurs prélats ont passé sous silence les plaintes de paroissien à propos de « son impolitesse, son autoritarisme, sa trop grande intensité, son intransigeance, son homophobie, sa misogynie, son racisme, ses agressions verbales, voire même physiques ».

Le rapport décrit en détail « des avances sexuelles indésirées envers un jeune homme de 18 ans […] ignorées et ensuite effacées de la mémoire écrite collective de l’Église, et « l’histoire déchirante d’une relation abusive avec un jeune étudiant de 19 ans ». La situation familiale de l’une des victimes du procès de Boucher est aussi détaillée.

Trois hauts prélats de l’Église canadienne sont étroitement liés au suivi déficient qui a été fait des problèmes et des crimes de Boucher : Anthony Mancini, archevêque de Halifax, Robert Harris, qui vient de prendre sa retraite comme évêque de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, et Sean Harty, vicaire épiscopal responsable des prêtres anglophones à Montréal, aujourd’hui à la retraite. Tous trois ont été ses supérieurs.

Boucher a même été mêlé à la séparation de son frère jumeau, le rapport détaillant comment il s’est allié à l’ex-femme de son frère pour monter ses neveux contre leur père. Mgr Harty a alors rencontré ce frère jumeau et leurs parents, qui ont fait des « allusions indirectes » à la « prédilection pour les jeunes » de leur fils.

Marc Ouellet, qui est préfet de la Congrégation pour les évêques à Rome, ne s’en tire pas indemne. Mgr Ouellet était entre 1992 et 1994 recteur du Grand Séminaire, où étudiait Boucher. Un autre séminariste a alors fait une plainte pour « un comportement intense et émotionnellement manipulateur de la part de Boucher ». Le comportement s’est arrêté immédiatement mais était semblable à la raison du renvoi de Boucher d’un autre séminaire en Ontario. « Si le recteur Ouellet avait documenté par écrit la plainte […] le parallèle avec le comportement inapproprié de Boucher à St. Peter aurait été frappant et difficile à ignorer », écrit la juge Capriolo.