Sans un chèque supplémentaire pour boucler l’année, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sera bientôt incapable de payer ses factures et même d’acheter du matériel de bureau à ses enquêteurs.

C’est ce qu’affirme un document municipal visant à approuver un versement supplémentaire de 2,6 millions au service de police en provenance de la Ville de Montréal. Le transfert, appuyé par l’administration Plante, devrait être voté par le conseil municipal en début de semaine.

Si les élus refusent, « les diverses unités opérationnelles s’exposent à un risque de voir leurs activités quotidiennes et leurs opérations affectées par un approvisionnement insuffisant et des ruptures de services », indique la Ville dans ce document.

Parmi les besoins qui seraient comblés par cet afflux d’argent, la Ville cite l’achat de « fournitures de bureau » pour les enquêtes criminelles, le paiement de frais de déplacement, ainsi que l’achat d’uniformes pour les nouveaux employés. L’unité des enquêtes spéciales, l’identité judiciaire et l’unité de surveillance ont aussi besoin de plus d’argent pour continuer à fonctionner normalement.

« Arrêt des procédures »

Dans un courriel, le SPVM a précisé qu’un refus de transférer l’argent pourrait avoir des impacts catastrophiques, puisque les achats qui seront effectués touchent le cœur de la mission policière. « Les dossiers présentés à la Cour risqueraient d’être incomplets puisque nous ne disposerions pas des formulaires légaux et officiels nécessaires », indique le service des communications de la police dans un courriel. « Aussi, nous ferions potentiellement face à des situations d’exclusion de la preuve, d’arrêt des procédures, de contestation et de recours légaux pouvant aller jusqu’à des poursuites. »

Le transfert de 2,6 millions serait partagé à parts presque égales entre la direction des services corporatifs et la direction des enquêtes criminelles.

Un budget en hausse marquée

La police montréalaise dispose d’un budget de 724 millions pour 2022, en hausse de 6 % par rapport à 2021. Il s’agissait de l’augmentation la plus généreuse parmi tous les services municipaux.

En 2021, son budget s’établissait à 679 millions, mais l’organisation aura finalement eu besoin de 733 millions pour boucler l’année, essentiellement en raison des heures supplémentaires liées à la pandémie, à la flambée de violence par arme à feu et aux séries éliminatoires de hockey. L’ampleur d’un éventuel dépassement budgétaire pour 2022 (incluant les heures supplémentaires) ne sera connue qu’à la fin du mois de novembre, lors du dépôt du budget.

Dans son courriel, le service des communications du SPVM indique que l’organisation est happée de plein fouet par l’inflation.

« Soulignons, par exemple, qu’il y a eu des hausses des tarifs allant de 13,5 à 38 % par rapport à 2021 du côté des biens et services à la direction des enquêtes criminelles », a indiqué le SPVM.

Pour les armes à feu et les autres équipements liés, « les coûts d’approvisionnement ont, dans certains cas, triplé de prix. Ces augmentations significatives sont principalement dues à la hausse de l’indice des prix à la consommation, au taux de change plus élevé (produits en provenance des États-Unis) et à la pénurie de certaines matières premières et composantes », indique aussi la Ville dans son document de présentation.

« Mauvaise planification »

L’administration Plante n’a pas souhaité commenter le dossier.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le porte-parole de l’opposition officielle en sécurité publique et vice-président de la Commission de la sécurité publique, M. Abdelhaq Sari

« Il est anormal que la Ville de Montréal se ramasse à octroyer 2,6 millions en fin d’année au SPVM pour des choses aussi prévisibles que des uniformes et des outils bureaucratiques, a déploré Abdelhaq Sari, de l’opposition officielle à l’hôtel de ville. Ces dépenses, qui auraient normalement dû être prévues dans le budget initial, sont la conséquence d’une mauvaise planification financière de la part de Projet Montréal. »