Malgré les controverses en série, malgré l’impopularité du début de mandat, malgré une pandémie brutale, Valérie Plante a été réélue à la mairie de Montréal, dimanche, avec une large avance.

Sourire collé aux lèvres et armée d’un programme modéré, la mairesse a rattrapé un important retard dans l’opinion publique pour battre à plate couture sa Némésis politique, Denis Coderre.

À son arrivée sur scène, en milieu de soirée, Mme Plante a laissé échapper un immense soupir de soulagement. Elle a affirmé sa volonté de continuer à « diriger Montréal avec le sourire », déclenchant les cris de joie de ses militants.

Au moment d’écrire ces lignes, Mme Plante recueillait 52 % des votes comptabilisés, contre 38 % pour M. Coderre. L’écart entre les éternels adversaires est deux fois plus important qu’en 2017. Balarama Holness a obtenu 7 % des voix exprimées et n’a pas réussi à faire élire de candidat.

« Ce que les Montréalais et les Montréalaises ont confirmé ce soir, c’est que l’élection de Projet Montréal en 2017, ce n’était pas un accident de parcours », a-t-elle lancé devant un public conquis d’avance. « C’était le début d’une nouvelle ère, le début d’une nouvelle façon de gouverner Montréal. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Réaction de la foule rassemblée à L’Olympia de Montréal après l’annonce de la victoire de Valérie Plante

Fidèle à ses habitudes, Mme Plante a éclaté de rire à plusieurs reprises pendant son discours, relancée par une foule survoltée réunie à L’Olympia de Montréal.

« À ceux qui ont voté pour Projet Montréal, ce que je vous dis, c’est qu’on va être fidèles à nos paroles et à notre vision », a-t-elle assuré, devant un panneau arborant le slogan « Le meilleur est à venir ».

À celle et ceux qui ont voté pour d’autres candidats, mon message est celui-ci : je serai la mairesse de toutes les Montréalaises et de tous les Montréalais.

Valérie Plante

En point de presse, la mairesse a ajouté que sa large avance lui « confirme que les plans qu’on a pour Montréal, on va pouvoir les mettre en place ». Les Montréalais « sont d’accord avec les choix qu’on a faits et ce qu’on propose, ça, c’est sûr ».

Une foule survoltée

Une heure plus tôt, le plancher de L’Olympia avait tremblé, alors que les partisans de Projet Montréal apprenaient la réélection de leur candidate. L’annonce de la victoire de Mme Plante – très tôt en soirée – a surpris les militants, qui ont aussitôt explosé de joie, oubliant pendant quelques minutes les consignes sanitaires. Survoltés, ils s’embrassaient et sautaient de joie.

La salle a rugi à plusieurs reprises au cours de la soirée, alors que les victoires locales étaient annoncées. Au moment d’écrire ces lignes, Projet Montréal était en voie d’élargir sa majorité au conseil municipal, avec 36 candidats en avance.

En outre, le parti a réussi à prendre les mairies de Verdun et de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, mais semblait en voie de perdre celle de L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève. Le candidat-vedette Will Prosper a mordu la poussière dans Montréal-Nord.

Dominique Ollivier, annoncée comme future présidente du comité exécutif, a été facilement élue dans son district de Rosemont. Autour de sa table, il risque « absolument » d’y avoir des élus de l’opposition, a dit la mairesse.

Après l’annonce de la réélection de Mme Plante, les équipes techniques ont poussé la musique à fond pour accompagner l’exaltation du public. « On est à bout de salive, on est à bout de souffle, mais on est tellement heureux », a dit Marie Plourde, réélue dans le Plateau-Mont-Royal.

Cette victoire-là de Valérie, c’est l’effort collectif, c’est ce qu’on célèbre ce soir, c’est la sueur des bénévoles, c’est la sueur des candidats, des candidates.

Marie Plourde, conseillère d’arrondissement réélue dans le Plateau-Mont-Royal

Plusieurs orateurs ont insisté sur la croissance soutenue de Projet Montréal dans l’île depuis que le parti a pris l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal en 2009.

« Protéger les acquis »

Avant le dévoilement des résultats, l’équipe de Valérie Plante expliquait que la stratégie électorale du parti passait par la défense de ses élus.

« Avant de penser à une perspective de croissance, on est toujours dans une perspective de protéger les acquis », a confié à La Presse Youssef Amane, directeur des communications de la mairesse. « C’était la stratégie numéro 1. » Le siège de Caroline Bourgeois dans Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, une victoire-surprise de Projet Montréal en 2018, « on a mis beaucoup, beaucoup d’efforts pour le sauvegarder ».

Projet Montréal voulait aussi reconquérir les mairies d’arrondissement perdues en cours de route à cause de controverses, nommément Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Le parti plaçait beaucoup d’espoir dans Laurence Lavigne Lalonde, qui tentait de ravir ce dernier arrondissement à Giuliana Fumagalli, expulsée de Projet Montréal en 2018 après avoir été accusée de harcèlement.

Selon Youssef Amane, Projet Montréal a aussi investi beaucoup d’énergie pour prendre Verdun, un arrondissement qui partage des caractéristiques avec les quartiers centraux de Montréal. Le maire local, Jean-François Parenteau, a été élu avec Denis Coderre, mais a rapidement intégré l’administration Plante. Il a choisi de ne pas se représenter.

Pour la course à la mairie de Montréal, Projet Montréal tentait de convaincre davantage de familles francophones, notamment dans l’est de Montréal, de se rallier à Valérie Plante. L’équipe de la mairesse espérait que les efforts de l’administration Plante pour la protection de la langue française puissent « aller séduire, courtiser l’électorat francophone », dixit M. Amane.

Les engagements phares de Valérie Plante

Avec des annonces presque chaque jour de la campagne électorale, Valérie Plante a cumulé des dizaines d’engagements envers les Montréalais. Voici les principaux.

Favoriser la construction de 60 000 nouveaux logements abordables au cours des 10 prochaines années, notamment en appliquant un règlement qui encadre strictement le travail des promoteurs immobiliers. Projet Montréal espère qu’en obligeant les nouveaux projets domiciliaires à inclure 20 % de logement social, 20 % de logement abordable et 20 % de logement familial, Montréal échappera aux bulles immobilières qui frappent Toronto et Vancouver.

Développer un grand parc dans l’ouest et dans l’est de Montréal en rassemblant des terrains déjà protégés et en s’assurant d’en annexer d’autres. Le premier a déjà été entamé dans le premier mandat de Valérie Plante, le second a été évoqué pour la première fois pendant la campagne électorale. Il inclurait notamment un agrandissement du parc de la Pointe-aux-Prairies, ainsi que le secteur du Golf d’Anjou, où Projet Montréal veut interdire le développement.

Limiter la hausse de la taxe foncière résidentielle au taux d’inflation ou à 2 %, selon la donnée la plus basse. Projet Montréal espère élargir l’assiette fiscale de la Ville en taxant davantage les stationnements commerciaux extérieurs et en imposant une nouvelle ponction sur les investissements immobiliers étrangers.

Agrandir le Réseau express vélo (REV) et aménager de nouvelles pistes cyclables protégées de la circulation automobile. Malgré les levées de boucliers auxquelles elle a dû faire face dans ce dossier depuis 2017, l’administration Plante n’entend pas reculer. L’objet, dit Projet Montréal : « rendre la pratique du vélo en ville accessible aux personnes de tous les âges et de toutes les aptitudes ».

Permettre le fonctionnement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de certains chantiers afin de réduire leur impact sur la circulation et les quartiers. Valérie Plante a pris acte de l’exaspération des Montréalais quant au nombre de chantiers qui ralentissent la circulation et espère en accélérer quelques-uns de cette façon.

Éliminer le plastique à usage unique et le chauffage au mazout à Montréal, le premier dès 2023, le second en 2030. Après des mois d’attente, l’administration Plante a dévoilé l’an dernier sa feuille de route environnementale, qui comprend aussi une zone « zéro émission » au centre-ville de Montréal d’ici 2030 ainsi que l’achat d’autobus électriques pour la Société de transport de Montréal.

Biographie de Valérie Plante

Valérie Plante en quelques dates

1974

Naissance à Rouyn-Noranda, en Abitibi

1994

Valérie Plante déménage à Montréal, où elle fait un baccalauréat en anthropologie et une maîtrise en muséologie. Elle travaille ensuite pendant plusieurs années dans le milieu communautaire.

3 novembre 2013

Jusque-là inconnue en politique, Valérie Plante, candidate comme conseillère municipale dans le district de Sainte-Marie, remporte la victoire sur son adversaire Louise Harel, cheffe de l’opposition officielle de la Ville de Montréal de 2009 à 2013.

4 décembre 2016

Les membres de Projet Montréal désignent Valérie Plante comme cheffe, afin qu’elle se mesure à Denis Coderre aux élections municipales de 2017.

5 novembre 2017

Valérie Plante est élue mairesse de Montréal avec un peu plus de 51 % des voix, alors que son adversaire Denis Coderre récolte plus de 46 % des votes.

2021

La mairesse sortante se présente comme candidate pour les élections du 7 novembre 2021.

avec Florence Morin-Martel, La Presse