(Montréal) Une nouvelle coalition réclame une nouvelle stratégie pour lutter contre la violence armée qui sévit actuellement dans la région montréalaise.

Selon la Coalition Pozé, les autorités devraient maintenant se pencher sur la racine du problème. Le nouveau groupe rassemblant des groupes communautaires travaillant avec des jeunes Afro-Québécois veut exercer des pressions pour mettre fin « à trois décennies d’échec avec l’approche répressive. »

Depuis le début du mois d’août, au moins cinq personnes ont été abattues dans la région.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Des fleurs ont été laissées sur les lieux d'une fusillade sur le boulevard Perras, à Rivière-des-Prairies, qui a fait trois morts et deux blessés, le 2 août.

Cette nouvelle vague de violence a conduit le Service de police de Montréal et à la Sûreté du Québec à s’allier pour tenter de l’endiguer. Si le renforcement des forces répressives peut permettre aux autorités de marques des points politiques, estime la coalition, cette stratégie ignore la racine du problème.

Beverley Jacques, cofondateur d’une organisation sportive dans l’arrondissement de Saint-Léonard, veut que les élus consultent plus régulièrement les groupes communautaires, et pas seulement en temps de crise.

« Quand les choses tournent mal, [les autorités] savent nous trouver. Soudainement, elles veulent nous parler. Soudainement, elles veulent avoir une conversation », dit M. Jacques en entrevue.

Selon lui, il suffit de miser sur le côté créatif des jeunes pour les empêcher de tomber sous la coupe des bandes criminelles.

Que veulent les groupes communautaires ? Un siège à la table des décisions, un financement stable et une reconnaissance, répond M. Jacques.

« Si nous fermons [nos] portes, les jeunes iront prendre une chance ailleurs. Ce n’est pas ce qu’on souhaite. »

Au cours d’un point de presse au début de la semaine pour annoncer la fondation de la Coalition Pozé, le directeur de l’organisme jeunesse Équipe RDP, Pierreson Vaval avait déploré le manque d’écoute des autorités.

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Le directeur de l’organisme jeunesse Équipe RDP, Pierreson Vaval

« C’est une communauté qui a des solutions, mais malheureusement, elle n’est pas toujours écoutée ; malheureusement, elle n’est pas prise au sérieux et malheureusement, là où on prend des décisions, in-vi-si-ble », avait-il souligné.

Un problème récurrent ?

Mais pour d’autres spécialistes des la criminalité, la violence ne disparaîtra pas de si tôt dans le paysage urbain.

« C’est la guerre entre les Crips et les Bloods, mais il y a aussi un conflit interne au sein des Bloods, raconte l’ancienne députée fédérale Maria Mourani, une criminologue. Plusieurs gangs se battent, et il en résulte [toute cette violence]. »

Les luttes internes pour le pouvoir et les disputes territoriales expliquent le mode d’opération impulsif des bandes criminelles. 

Dans les gangs, on tire n’importe quand, n’importe où. S’ils ont besoin de régler quelque chose, ils le règlent.

Maria Mourani, criminologue

Selon Guy Ryan, un ancien officier supérieur du SPVM à la retraite de Montréal, les corps policiers ont besoin de renseignements solides pour empêcher de tels actes, car la majorité des victimes ne coopèrent pas.

Selon lui, la vague de violence a été déclenchée par le meurtre d’une figure de proue du crime organisé, le 1er juillet.

On recense 20 incidents en juillet, quatre autres en août. C’est beaucoup. Une chose est sûre : ce sont des gens sans scrupules, spontanés, imprévisibles.

Guy Ryan, ex-officier supérieur du SPVM

Les coups de feu des dernières semaines ont été tirés à toute heure, dans divers quartiers. Ils ont créé un climat d’insécurité pour les résidants.

Ils ont aussi causé un traumatisme durable chez les jeunes, une situation dont on ne parle pas assez, croit la Coalition Pozé.

Pour M. Jacques, voir des jeunes qu’il a connus tomber dans la violence est un constat difficile. Cela pousse les animateurs socio-éducatifs à s’interroger : qu’auraient-ils pu faire de plus ?

« Dans nos rues, nous souffrons. Nous perdons des enfants que nous connaissons, des membres de la famille, des amis, souligne-t-il. Si personne en est conscient, je ne sais pas ce qui arrivera. »