Le service responsable d’acheter et d’entretenir les véhicules de la Ville de Montréal est gangréné par un « dysfonctionnement profond » en matière de gestion des contrats, selon le Bureau de l’inspecteur général (BIG).

La « quasi-totalité » des cadres de ce service ne respecte pas les règles censées prévenir la corruption et la collusion, selon le chien de garde éthique de la ville.

« L’ensemble des faits révélés par l’enquête permettent de mettre en lumière une problématique marquée et généralisée », indique un rapport du BIG qui vient d’être déposé au conseil municipal. « Les manquements au cadre normatif sont variés, nombreux et dans certains cas, très graves. »

Le Service du matériel roulant et des ateliers de la Ville de Montréal (SMRA) effectue des dépenses qui dépassent les 150 millions par année pour les 19 arrondissements de Montréal. Une partie importante de ces fonds sert à acquérir des véhicules et à acheter le matériel nécessaire à leur réparation.

Des millions de gré à gré

Or, ces achats se font souvent dans le désordre, conclut une enquête du BIG faisant suite à de « plusieurs dénonciations ».

« Au sein de la direction du Service, […] le respect des règles contractuelles n’est pas perçu comme étant requis, mais plutôt vu en opposition aux services à fournir aux arrondissements et aux citoyens », a écrit le BIG. « Il y a également une absence récurrente de planification des besoins par la direction du Service qui mène souvent à l’invocation d’une situation d’urgence pour conclure des contrats de gré à gré. »

Ainsi, au moins dix fournisseurs ont reçu au cours des cinq dernières années des commandes de matériel totalisant 9 millions sans appel d’offres. Des contrats d’une telle importance auraient dû faire l’objet d’un processus compétitif pour trouver le plus bas soumissionnaire.

Dans un autre exemple, des souffleuses à neige ont été achetées de gré à gré après que le SMRA ait tardé à les commander, malgré l’arrivée imminente de l’hiver.

Pas de crime décelé

Les explications offertes par les cadres du SMRA n’ont pas convaincu le BIG.

L’un d’eux a expliqué « qu’il ne fait pas d’appels d’offres publics dans son unité d’affaires, car pour ce faire et ainsi être “plus catholique que le pape”, il faudrait arrêter carrément la shop », relate le rapport. « C’est ce qu’il dit avoir expliqué à ses supérieurs. L’appel d’offres, ce n’est pas dans “les us et coutumes” du SMRA. »

Malgré les manquements éthiques détectés, aucune collusion ou versement de pot-de-vin n’a été découvert. « La preuve recueillie à ce jour par le Bureau de l’inspecteur général ne permet pas de démontrer la commission d’actes criminels (p. ex. fraude ou corruption) par la direction du SMRA, ni de déceler la commission d’actes répréhensibles de la part des fournisseurs mentionnés dans le présent rapport », indique le document.

Le BIG recommande à la Ville de Montréal de rédiger et d’adopter rapidement un plan de redressement de ce service.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef de l'Opposition officielle à l'hôtel de ville de Montréal, Lionel Perez

Lionel Perez, chef de l'Opposition officielle à l'hôtel de ville, a pointé du doigt l'administration Plante pour les dysfonctionnement au sein du SMRA. Il est « inacceptable » que l'hôtel de ville ait laissé la situation dériver alors que le contrôleur général de la Ville avait déjà pointé du doigt des problèmes au sein de ce service il y a deux ans, a fait valoir l'élu. « Je ne peux pas croire qu'après les années que Montréal a traversées, il y a encore des choses comme ça si se produisent », a dit M. Perez.

L'administration Plante n'a pas commenté la publication du rapport.

Par ailleurs, le BIG a publié un autre rapport au conseil municipal de lundi, celui-là concernant l'implication de fournisseurs potentiels dans la rédaction d'appels d'offre pour acheter des génératrices électriques. C'est l’Office municipal d’habitation de Montréal qui était dans la ligne de mire.