Alors que le campement dans Hochelaga sera bientôt démantelé et remplacé par un nouveau refuge, des élus et des organismes rappellent que sa présence n’est que la « pointe de l’iceberg » du problème d’itinérance à Montréal. Ils réclament qu’Ottawa envoie l’argent qui est dû au Québec en matière d’habitation pour investir dans la rénovation du parc « vieillissant » de logements abordables.

« Ce parc de tentes n’aurait jamais existé si l’argent du fédéral avait été livré comme dans les autres provinces. On aurait plus de logements sociaux, on aurait pu rénover des logements et on aurait logé les gens. La preuve, c’est qu’il y a ici beaucoup de néo-itinérance, des gens qui n’ont jamais fait ça avant », lance le député bloquiste de Longueuil–Saint-Hubert, Denis Trudel, qui a visité le campement vendredi.

C’est que le « contentieux » entre Québec et Ottawa, qui n’ont toujours pas signé d’entente en habitation, empêche selon lui des milliers de ménages d’accéder au logement. « Il y a 1,4 milliard de dollars qui dorment dans les coffres. Pendant ce temps-là, entre 10 000 et 15 000 projets sont en attente. Ça explique que tous ces gens aient dû se trouver un toit trop petit ou insalubre, le 1er juillet », soutient l’élu.

Ottawa doit livrer ces fonds sans condition. Il ne devrait pas y avoir de questions. Le logement est de compétence provinciale au Québec. C’est notre argent.

Denis Trudel, député du Bloc québécois

Yves-François Blanchet et ses troupes chiffrent à environ 3 milliards les besoins en logement social au Québec. Et selon Denis Trudel, ce financement va bien au-delà de la construction d’appartements. « Ça prend aussi du soutien psychologique. Appeler Vidéotron, faire l’épicerie, créer un budget, ça peut avoir l’air niaiseux, mais quand tu ne l’as jamais fait et qu’on ne t’aide pas, tu retournes dans la rue », illustre-t-il.

Une nouvelle ressource dans l’Est

Le campement de la rue Notre-Dame devrait être démantelé d’ici la fin d’août. Montréal entend créer une nouvelle « ressource locale » qui devrait prendre la forme d’un refuge temporaire de 65 lits dans le secteur. Une annonce devrait avoir lieu la semaine prochaine. « On rencontre chaque personne pour voir comment les reloger, mais on sait aussi que les besoins sont grands. Il y aura éventuellement une nouvelle ressource dans l’Est », confirme l’attachée de presse au cabinet de la mairesse, Laurence Houde-Roy.

Aux abords de la rue Notre-Dame Est, les quelque dizaines de campeurs refusent pour l’instant de partir, disant apprécier la liberté que leur apporte ce campement, en comparaison d’un refuge. La Ville demande que les sommes déjà annoncées pour l’itinérance « atterrissent dans les organismes rapidement », pour que ceux-ci accompagnent les gens dans le besoin.

Le cabinet de la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, lui, assure qu’une entente avec Ottawa arrivera bientôt. « On veut signer cette entente le plus rapidement possible, mais pas à n’importe quel prix. Ça veut dire pouvoir passer à travers nos programmes déjà existants, utiliser l’argent sans trop de conditions dans nos projets », explique l’attachée de presse Bénédicte Trottier-Lavoie.

Celle-ci ajoute que la Société d’habitation du Québec et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ont des échanges « réguliers » pour tenter de dénouer l’impasse. « Nous sommes très conscients des besoins criants. Tout va dépendre de ce qu’Ottawa nous propose », note la relationniste.

Des logements sociaux « barricadés »

Au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la porte-parole Véronique Laflamme dénonce l’hypocrisie des autorités. Selon les données de l’organisme, pas moins de 12 immeubles HLM – totalisant 300 logements – sont toujours vacants à Montréal, faute de financement nécessaire des gouvernements pour les réparer.

Alors que des dizaines de personnes campent, dont plusieurs sont récemment devenues sans domicile fixe à cause de la crise du logement, il reste plusieurs logements sociaux barricadés à Montréal. C’est inacceptable.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

« Cette liste ne fera qu’augmenter si rien n’est fait rapidement. Montréal ne peut pas se permettre de perdre des logements sociaux », ajoute Mme Laflamme.

Dans son plus récent budget annuel, l’Office municipal d’habitation chiffrait à 1,2 milliard de dollars, sur cinq ans, les besoins en rénovation des HLM à Montréal.