Les chauffeurs de taxi de la région de Montréal manifestent devant les bureaux du ministère des Transports contre le projet de loi 17 du gouvernement Legault. Environ 220 véhicules bloquent le boulevard René-Lévesque.

« La CAQ raciste », scandent les chauffeurs rassemblés sur les deux voies du boulevard René-Lévesque entre les rues Union et Beaver Hall. Alors que les klaxons se faisaient entendre bruyamment dans le centre-ville, la colère des chauffeurs était manifeste dans tous leurs discours.  

Le projet de loi du ministre des Transports François Bonnardel, qui libéralise l'industrie du taxi en ouvrant la porte aux chauffeurs Uber, fait mal à ceux qui ont payé cher leurs permis de taxi, désormais non obligatoire pour pratiquer comme chauffeur via les diverses applications mobiles.   

« Si Bonnardel sait tout ça et il continue, il y a quelque chose d'extrêmement inhumain », a affirmé Ruba Ghazal, députée de Québec solidaire dans Mercier. Elle prenait le pouls des travailleurs de l'industrie du taxi. « On va mettre le plus de pression possible en commission », a-t-elle affirmé, ajoutant qu'elle souhaitait que les chauffeurs restent mobilisés. Une commission sera ouverte le 10 avril afin de discuter de l'application du projet de loi 17. Mme Ghazal, qui affirme que son groupe soutiendra les chauffeurs, a souligné ne pas sentir une réelle implication des libéraux, premier parti d'opposition, dans le dossier de la modernisation de l'industrie du taxi.

« C'est un cadeau pour les Américains ! », a souligné M. Amar, chauffeur de taxi, déçu du désengagement de la CAQ envers les intérêts des Québécois.

M. Bonnardel n'était pas sur place pour entendre les revendications des chauffeurs. « Un ministre qui est responsable et capable de gérer, il doit être à l'écoute de notre désespoir. », explique M. Bellal, chauffeur de taxi

« Le ministre ne comprend pas le dossier, il improvise. Uber s'en vient ici sans respecter les lois que le gouvernement a mises. Ces gens vont tout perdre parce qu'ils ont respecté les lois. », explique Francis Noiseux, chauffeur avec Taxi Saint-Jean.  

« C'est pas vrai qu'on place le contribuable, le client, de l'avant », a ajouté M. Noiseux en réponse au discours tenu par le ministre dans les médias.  Il explique l'implication des chauffeurs de taxi auprès des personnes à mobilité réduite et avec ceux ayant des besoins particuliers.

Crainte financière 

Les chauffeurs craignent énormément pour leur sécurité financière. Depuis 2015, on estime que les permis auraient perdu 52 % de leur valeur dans la région métropolitaine. Les institutions financières auprès desquelles ils ont emprunté des fonds mettant comme seule garantie leur permis de taxi exigent maintenant que les résidences des chauffeurs servent de garantie, explique André, un chauffeur dans l'industrie depuis 20 ans.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

« J'ai acheté mon permis 220 000 $, je dois encore 80 000 $ » a ajouté M.  Kramed. Il estime qu'avec les compensations prévues par le ministère, il perdra tout de même environ 110 000  $. Les pancartes brandies exprimaient la crainte de la faillite pour les 20 000 chauffeurs de taxi qui ont acheté à fort coût des permis.   

« C'est pas la première et c'est pas la dernière manifestation, si le ministre ne change pas d'avis. Il nous a mis au bord de la faillite, maintenant, on n'a rien a perdre », affirme Mokrane Kramed, qui bataillait déjà lors du premier recours collectif contre Uber en 2014.   

« Nous ne voulons pas prendre la population en otage, mais on n'a pas le choix. Tout ce qu'on possède, c'est notre taxi, notre fonds de pension... », a affirmé Jean-Paul Wilson, représentant du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM), représentant les chauffeurs et les propriétaires de taxi 

-Avec Nicolas Bourcier

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