À partir de lundi, la rue Sainte-Catherine à Montréal et ses commerçants seront soumis à un rite de passage familier dans la métropole: tenter de survivre à un énorme chantier de construction.

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La célèbre artère commerciale sera réaménagée sur une distance de 2,2 kilomètres entre l'avenue Atwater, où trônait jadis le Forum de Montréal, jusqu'au Quartier des spectacles à l'est, où les Montréalais et les touristes peuvent se délecter de quelques airs de jazz ou de monologues d'humour.

Ce chantier est avant tout nécessaire pour remplacer les infrastructures souterraines, vieilles d'une centaine d'années, mais la Ville compte profiter de l'occasion pour agrandir les trottoirs, planter plus d'arbres et offrir un accès au Wi-Fi sur la rue.

La nouvelle administration en place à l'hôtel de ville promet également de faire les choses différemment de ses prédécesseurs.

Les commerçants craignent tout de même d'être pris dans un nouveau cauchemar rempli de rues éventrées, fermées puis rouvertes où les dédales de cônes orange et les planches de contreplaqué faisant office de trottoirs feront fuir clients et revenus.

«Je demande deux choses à la ville, dit Faress Zahed, le propriétaire d'une boutique de souvenirs ouverte sur la rue Sainte-Catherine depuis 23 ans. Effectuer le travail plus rapidement en ayant recours à deux équipes travaillant l'une à la suite de l'autre, et nous donner un congé de taxes.»

Cet Irakien d'origine a vécu bien des chantiers de construction gérés par de nombreuses administrations municipales et a de la difficulté à croire que cette fois-ci sera différente des précédentes.

Robert Beaudry, le conseiller municipal responsable du développement économique, reconnaît que les passants - touristes et Montréalais - qui s'aventureront sur certains tronçons de la rue Sainte-Catherine au cours des prochaines années seront confrontés à un véritable chantier de construction, mais un chantier qui sera, il l'espère, accueillant.

«Nous travaillons avec des entreprises en communication pour développer un système de signalisation très clair, a expliqué M. Beaudry, qui fait partie de l'équipe de Projet Montréal, le parti de la mairesse Valérie Plante. Nous voulons que les passants sachent que non seulement les commerces sont ouverts, mais aussi qu'ils sont invités à y entrer».

L'administration Plante est également ouverte à offrir des congés et des crédits de taxes ou des subventions aux commerces qui subiront des pertes financières en raison des travaux.

«Toutes les options sont sur la table, a affirmé Robert Beaudry. Nous travaillons actuellement sur un plan pour les commerces et il devrait être prêt cet été.»

La première phase du projet portera sur le tronçon de Sainte-Catherine compris entre la rue Mansfield et le Quartier des spectacles. Elle devrait être complétée en 2021. La deuxième phase, de la rue Mansfield à l'avenue Atwater, commencera ensuite.

Selon M. Beaudry, la première phase devrait coûter au moins 115 millions de dollars. Il a toutefois admis que la facture finale dépendrait du type de choix que ferait l'administration Plante.

Plusieurs autres propriétaires de commerce questionnés par La Presse canadienne ont exprimé des inquiétudes similaires: diminution de la circulation piétonnière, baisse des revenus, manque de stationnement, risque de retards et de dépassement des coûts.

Ce n'est toutefois pas le cas de Benoit Vendette, le copropriétaire du Nyk's Bistro Pub.

Ouvert il y a neuf ans, le restaurant de l'homme d'affaires est situé quelques mètres au sud de Sainte-Catherine, près de deux chantiers liés au Quartier des spectacles.

«Nous avons tout vécu, a-t-il commenté. Le Quartier des spectacles a été construit de A à Z pendant que nous étions ici. Il y a eu un cratère juste à l'extérieur du bistro pendant un mois et demi.»

M. Vendette a indiqué que la plupart de ses clients étaient des piétons et que les anciens chantiers avaient, en fait, augmenté l'achalandage de son restaurant en forçant les promeneurs à passer devant.

D'après lui, se plaindre est trop facile.

«Ça va être magnifique, c'est vraiment un beau projet, a-t-il soutenu. Nous sommes là pour que les choses aillent bien. Le but, c'est d'être heureux.»