Le plaisir de circuler à vélo et de transporter spontanément des objets parfois encombrants : c’est la liberté qu’offre le vélo cargo, de plus en plus utilisé en France. Si bien que des centaines de commerçants s’y sont mis, signale Marie-Astrid Leray, coprésidente des Boîtes à Vélo France, qui donne une conférence gratuite jeudi à l’esplanade Tranquille à l’invitation de Vélo Québec. La Presse lui a parlé.

Vous représentez Boîtes à Vélo France, une association qui regroupe 320 membres qui sont des entrepreneurs à vélo. Comment décrire ce mouvement ?

Ce sont des entrepreneurs à vélo qui ont réalisé qu’ils pouvaient se lancer en affaires avec beaucoup moins d’investissements qu’ils ne le croyaient. Ces dernières années, nous avons des plombiers, des électriciens, des médecins, des kinésiologues et des coiffeuses qui vont voir leurs clients à vélo cargo. Un de nos membres est aussi La Poste, qui distribue les colis en vélos cargo.

Nous avons aussi des membres qui sont dans le domaine de la restauration. Certains « food bikes » spécialisés proposent des pizzas, d’autres des falafels, des plats végétariens, du café, des pâtisseries serbes, des boissons sans alcool… Moi-même, je suis propriétaire d’un food bike qui propose des gaufres à Nantes. C’est très pratique pour se rendre partout, notamment dans des évènements d’entreprise, qui sont notre plus gros marché. Les gens apprécient, et ça donne bonne image.

Investir dans un food truck peut coûter entre 70 000 et 100 000 euros (entre 100 000 et 150 000 $ CAN). Pour un food bike, on parle de 16 000  euros (24 000 $ CAN). Aussi, pas besoin de louer un local, donc on économise énormément. C’est beaucoup plus accessible. Le garage pour entreposer mon food bike me coûte 100 euros par mois, c’est tout.

En dehors du travail, vous vous déplacez avec votre famille à vélo cargo. Comment ça se passe ?

Oui, je suis maman de trois enfants de 10, 8 et 5 ans, et je me déplace en vélo cargo depuis 2019. Ça a changé ma vie. Tout est plus simple. La grande boîte à l’avant permet de la spontanéité. Je peux faire mes courses et tout prendre ce dont j’ai besoin en une seule fois, je peux passer aussi à la bibliothèque… Pas besoin de réfléchir. Pour beaucoup de familles, le vélo cargo remplace la deuxième voiture. Tous les déplacements de proximité peuvent être faits en vélos cargo, qui sont souvent munis d’assistance électrique, par ailleurs.

Mon vélo m’apporte beaucoup de bien-être physique et psychologique. J’ai besoin de bouger pour me sentir bien. J’aime sentir l’air sur ma peau, me sentir à l’écoute…

Les vélos cargo et les vélos qui servent à transporter de jeunes enfants coûtent plusieurs milliers d’euros. Mais ceux qui sont de bonne qualité ont une excellente valeur de revente. Donc au final, la facture est moins élevée qu’on pourrait le croire.

Quelles sont les façons de développer l’usage du vélo cargo, tant sur le plan de l’entrepreneuriat que pour ce qui est des ménages ?

Il faut établir des contacts avec des élus. En France, il y a des subventions pour les entrepreneurs qui veulent se lancer en vélo cargo. À Nantes, nous avons un « hub » qui est un local en milieu urbain pour la cyclomobilité. On y invite les élus à nos évènements, pour qu’ils voient de leurs propres yeux ce qu’on fait. Les élus ont besoin de visuel pour comprendre. On invite les entreprises pour voir que c’est possible de passer au vélo cargo. On peut transporter des outils, des échelles, etc. Les élus de Nantes nous aident beaucoup.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Marie-Astrid Leray, coprésidente des Boîtes à Vélo France

Pour le vélo cargo au quotidien, le principal frein chez les gens, c’est la peur. C’est vrai qu’il y a des violences motorisées, il arrive que des gens nous frôlent. Mais ça ne retire pas le plaisir que j’ai. C’est pour cette raison qu’il faut des voies séparées pour les gens qui se déplacent à vélo, pas simplement de la peinture au sol, qui ne protège personne.

En France, nous n’avons pas les meilleurs aménagements cyclables au monde, mais beaucoup de trajets peuvent être faits à vélo.

Comment trouvez-vous les aménagements cyclistes à Montréal et dans les environs ?

Sur la rue Saint-Denis, il y a un espace séparé, c’est très rassurant. Pour les grands boulevards, je ne suis pas habituée. Je me sens un peu perdue… J’ai fait le Défi métropolitain dimanche, et beaucoup d’accotements étaient défoncés. Donc pour la pratique du vélo, ce ne sont pas des aménagements qui sont idéaux.

La conférence Le vélo cargo : véhicule du futur, de Marie-Astrid Leray, sera présentée dans le cadre du Festival Go vélo Montréal jeudi, à 18 h, à l’esplanade Tranquille. La conférence sera aussi disponible en ligne ; réservation requise.