Réduction du gaspillage alimentaire, de la consommation de viande ou de l’utilisation de l’automobile : quels comportements les Québécois ont-ils adoptés pour limiter le réchauffement climatique ? Bien qu’une majorité d’entre eux se disent « extrêmement », « très » et « assez » respectueux de l’environnement, les gestes le plus souvent faits ne sont pas, généralement, ceux qui ont le plus d’impact, montre un sondage SOM/La Presse.

Au cours des mois d’avril et de mai, la firme de recherche SOM a demandé à un panel web de 1234 Québécois d’identifier les gestes qu’ils avaient faits au cours des 12 derniers mois afin de réduire leur consommation d’énergie ou de limiter les effets des changements climatiques. Dix-sept gestes étaient suggérés, de façon aléatoire. Figurent en tête de liste des résultats : porter une attention particulière au gaspillage alimentaire (65 % des répondants), mettre le plus possible de résidus alimentaires au compost (55 %) et réduire l’utilisation du plastique (53 %). Suivent le choix d’ampoules DEL (47 %), le lavage à l’eau froide (47 %) et l’achat d’aliments ou de produits locaux (39 %).

« On voit que ce qui est facile et peu coûteux, c’est ce que les Québécois ont le plus adopté, constate le vice-président marketing chez SOM, Vincent Bouchard. Les cinq premiers sont des gestes très faciles à poser. »

Les comportements qui exigent un changement plus profond des habitudes de vie, comme diminuer l’utilisation de la voiture à essence et manger moins de viande, arrivent en milieu de peloton (respectivement 36 % et 26 %). Par ailleurs, 12 % des répondants ont dit avoir réduit leurs déplacements en avion. Précisons que le sondage n’a pas évalué dans quelle proportion cette réduction a effectivement eu lieu.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les Québécois sondés ont affirmé faire des efforts pour éviter le gaspillage alimentaire.

« Les résultats montrent que la voiture à essence est encore très ancrée dans nos habitudes, observe M. Bouchard. Le prix des voitures électriques est élevé, avec des subventions en baisse. Ça touche aussi à un comportement très ancré. » Or, le transport routier représente plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre de la province et constitue l’un des secteurs prioritaires d’action dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Selon la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe, il est crucial que des mesures systémiques soient mises en place par les gouvernements pour faciliter les changements individuels. Elle cite en exemple l’instauration de programmes de redevance-remise, communément appelés « bonus-malus ». « Les actions de sensibilisation ont plus d’impact quand elles sont accompagnées de mesures et d’incitatifs qui font en sorte qu’on comprend, dans notre portefeuille, que de faire le bon geste est récompensé et que de faire le geste contraire est puni. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le transport routier représente plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre de la province et constitue l’un des secteurs prioritaires d’action dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Des freins à l’action

Le coût plus élevé des produits respectueux de l’environnement est d’ailleurs le frein à l’adoption de comportements plus écoresponsables le plus cité par les répondants au sondage (63 %). L’absence de législation (30 %) et l’absence de subventions (28 %) arrivent aux 5e et 6e rangs, derrière la difficulté à identifier les meilleurs choix (41 %), l’impression que l’impact sera minime (41 %) et les raisons pratiques (36 %).

« C’est un résultat encourageant parce que, parfois, on ne comprend pas le rôle de la législation pour nous aider à faire la transformation climatique, souligne Colleen Thorpe. Même si après, quand le gouvernement arrive avec une législation, les gens peuvent parfois répondre autrement parce qu’ils sont mécontents de la législation. »

Pour elle, l’impact le plus grand qu’un individu peut avoir sur les changements climatiques est de voter pour des partis qui placent cet enjeu au cœur de leurs priorités, un aspect qui n’a pas été évalué par le sondage puisqu’il n’y a pas eu d’élections générales au Québec pendant la période visée.

La majorité des 380 scientifiques ayant contribué aux rapports du GIEC, sondés récemment par le quotidien britannique The Guardian, sont également d’avis que le véritable pouvoir citoyen s’exerce aux urnes⁠1. Réduire la fréquence des vols en avion et l’utilisation de modes de transport utilisant des énergies fossiles, manger moins de viande et diminuer les émissions de GES liées au chauffage et à la climatisation de son domicile sont les autres actions prioritaires citées par les scientifiques.

« Pour moi, la première action possible, c’est l’action collective, affirme Colleen Thorpe. Après, les actions individuelles qui suivent de près sont nos choix de mobilité, ce qu’on met dans l’assiette et nos choix de consommation tout court [ce qui inclut la consommation d’énergie]. » Que le gaspillage alimentaire soit le comportement le plus cité par les répondants du sondage la réjouit, puisqu’il s’agit d’un geste accessible à tous qui peut avoir un grand effet. Environ 29,5 % de l’empreinte carbone de l’assiette d’un Québécois est attribuable au gaspillage alimentaire, selon des données publiées en 2020 par le CIRAIG et PolyCarbone. Reste, selon Mme Thorpe, à appliquer cette loupe antigaspillage à d’autres sphères du quotidien.

L’étude a été réalisée en ligne du 22 avril au 7 mai 2024 auprès d’un échantillon de 1234 adultes québécois inscrits au panel d’internautes de SOM. Les résultats ont été pondérés de manière à refléter les principales caractéristiques sociodémographiques des adultes québécois. La marge d’erreur maximale est de+/-4,2 %, 19 fois sur 20.

1. Lisez l’article du Guardian (en anglais)

D’autres éléments du sondage

Mauvais bulletin pour les gouvernements

Les Québécois jugent sévèrement les entreprises et les gouvernements sur leur bilan environnemental. Ainsi, 48 % des répondants au sondage qualifient le bilan environnemental des entreprises de « médiocre ou mauvais », alors que 39 % le trouvent passable. Le bulletin des gouvernements n’est guère plus reluisant : 40 % estiment leur bilan « médiocre ou mauvais » et 42 % le jugent passable. Quel regard les citoyens posent-ils sur eux-mêmes ? Au total, 28 % des répondants attribuent aux individus un bilan environnemental « médiocre ou mauvais », la moitié (50 %), un bilan « passable », et 21 % l’évaluent comme étant « bon », voire « très bon ».

Actions limitées pour la moitié des Québécois

Des 17 comportements suggérés, 15 % des répondants n’en ont adopté que deux ou moins dans les 12 mois précédant le sondage, alors que 32 % n’ont fait qu’entre 3 et 6 de ces gestes. « La moitié des Québécois font des efforts somme toute assez limités », résume Vincent Bouchard, vice-président marketing chez SOM. En revanche, 14 % des répondants ont fait plus de la moitié des gestes nommés. Si les résultats ne révèlent aucun écart majeur entre les différents groupes d’âge, on constate que les hommes sont un peu plus enclins à l’inaction ; 20 % d’entre eux ont fait deux gestes ou moins, contre 10 % des femmes.

La goutte d’eau dans l’océan

L’impression que l’impact de leurs gestes sera minime freine 41 % des Québécois dans l’adoption de comportements plus respectueux de l’environnement. Il est vrai que l’action individuelle a ses limites et que, selon les experts, d’importants changements structurels sont nécessaires dans le contexte de l’urgence climatique. « L’action individuelle, c’est un tremplin à l’action collective », pense néanmoins la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe. « L’un ne va pas sans l’autre pour des changements en profondeur réels et pour embarquer tout le monde, mais malheureusement, parfois, ça peut être deux solitudes. » Ainsi, un geste individuel qui n’est pas rattaché à une implication sociale plus large aura effectivement une portée moindre, précise-t-elle.

En savoir plus
  • 58 %
    Proportion de Québécois qui jugent leurs comportements « assez » respectueux de l’environnement, alors que 32 % les estiment « très », voire « extrêmement » respectueux.
    Source : sondage SOM, avril 2024