Les évènements météo extrêmes coûtent de plus en plus cher aux Canadiens… et aux compagnies d’assurances, qui versent aujourd’hui en moyenne cinq fois plus d’argent en indemnités à leurs assurés qu’il y a 40 ans. Une tendance qui ne fera que s’aggraver avec le réchauffement planétaire.

De 400 millions à 2 milliards de dollars

Dans un rapport dévoilé mercredi, Statistique Canada indique que les coûts des réclamations d’assurance habitation liés à des phénomènes météo extrêmes pour les années 2022 et 2023 étaient supérieurs de 50 % à la moyenne annuelle des dernières années. Avec des réclamations totalisant 3,4 milliards de dollars en 2022 et 3,1 milliards en 2023, ces deux années figurent aussi parmi les années les plus coûteuses en dommages matériels depuis 1983 au pays. Entre 1983 et 2008, la valeur moyenne annuelle des réclamations était évaluée à 400 millions de dollars. Elle a explosé entre 2009 et 2023, pointant à 2 milliards de dollars. Le rapport précise que les inondations causées par les pluies abondantes, la grêle et les ouragans sont les évènements météo qui causent le plus de dégâts au Canada.

L’année record de 2016

Signe des temps, neuf des dix années les plus coûteuses en réclamations d’assurances sont survenues depuis 2011 au pays. L’année 2016 figure au premier rang avec des réclamations totalisant tout près de 6 milliards de dollars, en raison des incendies de forêt survenus dans la région de Fort McMurray, en Alberta. Le feu a notamment détruit plus de 2000 maisons et bâtiments. Selon un adage, il faut d’abord parler à un assureur si l’on souhaite obtenir des preuves des impacts des changements climatiques. « Les compagnies d’assurances sont en effet au premier plan, depuis plus longtemps que d’autres, en ce qui concerne les changements climatiques », affirme Pierre Babinsky, directeur des communications et des affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada.

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L’année 2016 figure au premier rang avec des réclamations totalisant tout près de 6 milliards de dollars, en raison des incendies de forêt survenus dans la région de Fort McMurray, en Alberta

Priorité aux mesures d’adaptation

En 2023, sur les 12 évènements météo extrêmes qui ont donné lieu à des réclamations supérieures à 30 millions de dollars, les trois plus importants sont les incendies de forêt en Colombie-Britannique (720 millions), des tempêtes estivales en Ontario (340 millions) et la tempête de pluie verglaçante qui a touché le Québec et l’Ontario (330 millions). Selon Pierre Babinsky, le Québec et le Canada ont « du rattrapage à faire » pour mettre en place des mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. « On a déjà un retard et il ne faut pas l’accentuer », précise-t-il, signalant qu’il y a une limite à augmenter les primes des assurés pour faire face à la hausse des coûts. « C’est vraiment un enjeu de société », ajoute-t-il.

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Des maisons et des voitures endommagées par une tempête en Ontario

Des assureurs inquiets

Dans un rapport dévoilé en 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada avait identifié les risques climatiques comme l’un des principaux dangers pour le système financier canadien. Un an plus tard, l’organisme « a souligné le besoin de renforcer la résilience en raison des phénomènes météorologiques extrêmes qui pourraient déstabiliser l’industrie. Un seul évènement peut causer des dizaines de milliards de dollars de dommages et pourrait entraîner la faillite ou le retrait d’un assureur », indique le rapport de Statistique Canada. Le document précise que l’ouragan Andrew, survenu en 1992, avait entraîné la faillite de 16 compagnies d’assurances. Plus récemment, la plus grande compagnie d’assurances de Californie, State Farm, a décidé qu’elle n’acceptait plus de nouveaux clients en raison des risques trop élevés dans cet État.

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Dans un rapport dévoilé en 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada avait identifié les risques climatiques comme l’un des principaux dangers pour le système financier canadien.

Incendies de forêt : des prévisions préoccupantes pour 2024

Par ailleurs, la tendance des dernières années risque de se poursuivre en 2024. Le consortium Ouranos a signalé mercredi que les températures clémentes et les faibles précipitations que l’on a connues cet hiver pourraient favoriser une nouvelle saison d’incendies de forêt particulièrement intense dans tout le pays. Les régions les plus à risque sont l’ouest du Canada, l’est de l’Ontario et le sud du Québec. Dans l’Ouest canadien, des milliers de personnes ont été évacuées ces derniers jours en raison des incendies. En avril, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a enregistré une cinquantaine de feux au Québec, soit deux fois plus que l’année dernière à la même période.

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Le consortium Ouranos a signalé mercredi que les températures clémentes et les faibles précipitations que l’on a connues cet hiver pourraient favoriser une nouvelle saison d’incendies de forêt particulièrement intense dans tout le pays.

Avec Chloé Bourquin, La Presse