Arsenic, cadmium, cuivre, chrome : une analyse des sols menée par des groupes environnementaux semble démontrer une forte contamination autour d’un site de traitement de déchets dangereux de Blainville. Des taux qui représenteraient un risque pour la santé. Et voilà que des voix citoyennes s’élèvent pour que le gouvernement provincial agisse, quitte à exiger un moratoire sur les activités de l’entreprise d’enfouissement industriel Stablex.

Avec une trentaine de citoyens, le spécialiste en écotoxicologie Daniel Green a prélevé au début du mois de décembre une bonne centaine d’échantillons dans les fossés gorgés d’eau et les sols qui bordent l’entreprise située juste au nord de Montréal. L’objectif était de mesurer les concentrations d’une dizaine de métaux lourds.

Résultats : des dépassements des normes établies par le ministère de l’Environnement du Québec (MELCCFP) ont été découverts sur tous les sites d’échantillonnage, soit 11 zones au total, révèlent les données de la Société pour vaincre la pollution, obtenues par La Presse.

« La question était de savoir si Stablex pollue. Oui, et pas juste un peu. La balle est maintenant dans le camp du ministère de l’Environnement à qui on a remis les données brutes. C’est à eux de mener plus loin une enquête », estime M. Green, qui a piloté l’échantillonnage à la demande de trois groupes environnementaux, dont Mères au front – Rivière des Mille Îles. Il espère que le gouvernement fera ses propres analyses, sur les terres de Stablex, avec du carottage des sols qui n’a pas été effectué par son groupe.

L’entreprise Stablex est établie depuis 40 ans à Blainville. Elle est unique en son genre en Amérique du Nord. Ses installations et cellules traitent et enfouissent à perpétuité des résidus industriels dangereux et des sols contaminés. La moitié des matières provient du nord-est des États-Unis, de l’Ontario, l'autre moitié provient du Québec.

À l’automne 2023, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) en est venu à la conclusion qu’un projet d’expansion de Stablex était « prématuré ». Le BAPE a souligné que l’entreprise et son projet d’expansion sont situés au cœur d’un environnement écologique « d’exception ». Pendant le processus du BAPE, la Ville de Blainville a décidé de rompre avec Stablex un pacte lui permettant de prendre de l’expansion sur le territoire fragilisé. Le projet d’expansion consistait à aménager une nouvelle cellule pour stocker des déchets dangereux.

Autour de l’entreprise, il y a des milieux humides et un écosystème formant l’une des rares grandes tourbières urbaines du Québec. À travers les terres, une piste cyclable reliant Blainville à Sainte-Anne-des-Plaines a été aménagée. L’écosystème est cependant mal entretenu, jonché de déchets.

« Il faut agir »

Claude Beaudet habite à Blainville. Il n’avait jamais entendu parler des activités de Stablex jusqu’à ce que le projet d’expansion aboutisse au conseil municipal. Avec des citoyens, il est allé recueillir des échantillons boulevard Céloron, non loin du ruisseau Lockhead. Les analyses sédimentaires (sols) ont démontré des taux d’arsenic plus élevés que les normes environnementales provinciales tolérées.

Des enfants et des animaux de compagnie, des chiens, vont se balader près du ruisseau. C’est terrible de penser à l’impact que peut avoir cette contamination sur la population. Je suis retraité, il me reste moins d’années devant moi que derrière. Mais j’ai décidé de m’impliquer pour prévenir les familles. Il faut agir, je ne veux pas me laisser intoxiquer.

Claude Beaudet, résidant de Blainville

Au ministère de l’Environnement, le conseiller en communications et porte-parole régional, Frédéric Fournier, a indiqué que son équipe n’avait pas reçu de demande de la Ville de Blainville.

« Cependant, le Ministère a reçu aujourd’hui [le 29 février] l’étude réalisée par les citoyens en collaboration avec la Société pour vaincre la pollution. Cette étude sera analysée par les spécialistes du Ministère avec toute l’attention et la considération nécessaires. Au besoin, le Ministère effectuera toutes les démarches et les analyses nécessaires pour s’assurer que l’entreprise respecte les exigences environnementales », a-t-il fait savoir par courriel.

Chez Stablex, le porte-parole Maxime Couture explique qu’il est difficile pour l’entreprise de commenter les résultats « sans connaître les détails de la méthodologie utilisée ». Il ajoute qu’en vertu d’un décret, Stablex est soumise à des contrôles rigoureux. Et que des analyses sont effectuées et soumises régulièrement aux autorités.

La Ville de Blainville a reçu les analyses du groupe citoyen à la fin du mois de février. Le conseiller principal aux communications, Yannick Proulx, s’est montré rassurant auprès de La Presse, en affirmant que les analyses préliminaires n’indiquent pas de « situation alarmante ».

Toutefois, l’administration a retenu les services d’une firme indépendante pour obtenir un autre avis. Et l’information a été communiquée au ministère de l’Environnement, a précisé M. Proulx.

***Rectificatif: Entre la réalisation de ce reportage et sa publication, la Ville de Blainville obtenu les résultats d'une étude menée à sa demande par Imausar Environnement inc. Celle-ci, se basant sur la réglementation de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), en arrive à la conclusion que les normes de rejet « pluvial ou cours d’eau » sont respectées autour du site de Stablex. Celle-ci dit ignorer quelles normes du MELCCFP ont été utilisées par le groupe citoyen. La mairesse de Blainville Liza Poulin a confirmé au média Nordinfo.com que les échantillons prélevés par Imausar respectaient les normes. Elle mentionnait également espérer que le MELCCFP se saississe du dossier de la surveillance du site d'enfouissement et des milieux environnents.

Consultez le site du ministère de l'Environnement concernant les critères de qualité des sédiments Consultez le site du Conseil canadien des ministres de l'Environnement concernant les recommandations canadiennes en matière de sédiments Consultez le site du ministère de l'Environnement concernant les critères de qualité de l'eau de surface