Al Gore, ancien vice-président américain, a mis de l’avant dimanche de nombreux sites majeurs d’émissions des Émirats arabes unis, au moment même où le ciel de Dubaï, la capitale, était voilé d’un épais brouillard, en pleine conférence sur les changements climatiques

(Dubaï) Invité à faire une présentation à la COP28, à Dubaï, l’ex-vice-président américain Al Gore a pointé dimanche le bilan climatique des Émirats arabes unis, pays hôte, allant jusqu’à dénoncer l’empreinte carbone d’ADNOC, la compagnie pétrolière nationale dirigée par le président de la conférence, le sultan Ahmed al-Jaber.

« Voici des sites majeurs d’émissions de gaz à effet de serre. Tout cela, ce sont des sites significatifs d’émissions aux Émirats arabes unis », a-t-il lancé dans la même salle où les délégués se réunissent pendant deux semaines de négociations sur le climat.

Derrière lui apparaît alors une carte des Émirats arabes unis, avec ses principaux sites émetteurs : champs pétroliers, usines de désalinisation…  

Al Gore, grand militant climatique, avait été invité à présenter les plus récentes données du site Climate TRACE, le premier à estimer, à partir d’un réseau de 300 satellites aidés par l’intelligence artificielle, les véritables émissions de plus de 352 millions de sites à travers le monde, dans 10 secteurs : industrie lourde, énergie, agriculture, transports, déchets, etc. 

Alors que les données de gaz à effet de serre habituellement citées pour les pays sont d’ordre statistique, Climate TRACE « voit » littéralement le CO2 ou le méthane s’échapper, ce dernier souvent par des fuites de gazoducs ou de puits.

« L’Abu Dhabi National Oil Company [ADNOC] prétend toujours n’avoir aucune émission de méthane émanant de son transport de pétrole et de gaz, a par ailleurs argué M. Gore. Mais en fait il y en a ! On peut les voir depuis l’espace. »

Al Gore a toutefois aussi félicité la présidence de la COP28 pour l’engagement samedi pris par 50 grandes compagnies pétrogazières de réduire leurs fuites de méthane.

La fin des fossiles « inévitable », mais pas trop vite

Le président émirati de la COP28, le sultan Ahmed al-Jaber, a estimé que la « sortie » des énergies fossiles était « inévitable », mais a semblé dire qu’elle n’était pas indispensable pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, dans un échange tendu en novembre avec l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson et rapporté par le quotidien britannique The Guardian dimanche.

PHOTO KARIM SAHIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une militante écologiste tenant une pancarte où on peut lire « Non aux énergies fossiles », lors de la COP28, à Dubaï

M. al-Jaber, qui cumule ses fonctions avec celles de patron de la compagnie pétrolière nationale ADNOC, s’exprimait le 21 novembre dans un évènement en ligne organisé par She Changes Climate, selon une vidéo diffusée par le Guardian.

Mme Robinson, présidente du groupe des Sages – de hauts responsables, militants pour la paix et défenseurs des droits de la personne –, a interpellé le sultan al-Jaber sur son refus d’appeler à une sortie des énergies fossiles.

« Je ne souscrirai en aucun cas à des discussions alarmistes », a-t-il notamment dit.

« Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes », a ajouté M. al-Jaber, qui parle dans cet échange à la fois de « réduction » et de « sortie » des fossiles.

Le ciel de Dubaï brouillé en pleine COP28

La rutilante ligne d’horizon des gratte-ciel de Dubaï a été obscurcie par une couche de brouillard qualifiée de « malsaine », dimanche, alors que des milliers de délégués assistaient à une conférence de la COP28, consacrée aux effets néfastes de la pollution atmosphérique.

PHOTO AMR ALFIKY, REUTERS

La qualité de l’air était « malsaine » dimanche à Dubaï.

L’indice de qualité de l’air a atteint 155 microgrammes par mètre cube de pollution PM2.5 – les particules fines les plus nocives, car elles peuvent pénétrer dans la circulation sanguine – selon WAQI.info, un outil de suivi de la pollution en temps réel.

Lorsque la qualité de l’air est « malsaine », « tout le monde peut commencer à sentir des effets sur la santé », peut-on lire sur le site.

Des conditions atmosphériques brumeuses ont été observées les premiers jours de la COP28. Dimanche était une journée consacrée à la « santé », et les discussions ont notamment porté sur la qualité de l’air et les effets néfastes des changements climatiques sur la santé.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l’air extérieur due aux émissions de combustibles fossiles tue plus de quatre millions de personnes par an.

Protéger l’Amazonie sans nuire à l’agriculture

Le Brésil peut à la fois préserver ses forêts et augmenter sa production agricole, a déclaré dimanche son président, Luiz Inácio Lula da Silva, à Dubaï, avant de quitter la COP28.

« J’ai voulu démontrer qu’il est tout à fait possible de conserver la forêt intacte. Et que nous pouvons planter ce que nous voulons », a déclaré le dirigeant brésilien à la presse avant de partir pour Berlin, où il doit poursuivre sa tournée internationale.

Ce plan d’expansion des terres cultivables « sans déforestation », doit passer par la conversion de terres de pâturage. Un investissement de 120 milliards US sur 10 ans est prévu dans ce pays dont le secteur agricole est l’un des principaux moteurs de croissance, avec des exportations massives de produits comme la viande ou le soja.

« Nous voulons convaincre, nous ne voulons pas nous disputer », a déclaré le président de gauche.

La déforestation de l’Amazonie brésilienne a diminué de 22 % à la fin de juillet sur les 12 mois écoulés, selon des chiffres officiels.