Le gouvernement Legault rejette l’idée d’imposer une contribution kilométrique au secteur du camionnage pour favoriser la décarbonation du transport lourd de marchandises, dont les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont en forte hausse.

« Nous n’irons pas de l’avant avec l’ajout d’une taxe kilométrique », a affirmé le cabinet de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, dans une déclaration transmise à La Presse, mercredi, en réaction à la proposition phare du plus récent avis du comité consultatif sur les changements climatiques.

Consultez le texte « Québec doit freiner le transport par camion, plaide un comité consultatif »

Ce comité d’experts indépendant chargé de conseiller le ministre de l’Environnement recommande à Québec de faire payer à l’industrie du camionnage les kilomètres parcourus sur les routes de la province et de développer le transport ferroviaire et maritime de marchandises, constatant l’inefficacité des mesures gouvernementales actuelles.

« Les Québécois sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord », affirme le cabinet de la ministre Guilbault pour justifier son rejet de la proposition du comité.

L’argument fait sursauter la professeure Catherine Morency, titulaire de deux chaires de recherche sur la mobilité à Polytechnique Montréal et membre du comité, qui rappelle que la mesure proposée n’est pas une taxe, mais un prix facturé pour l’utilisation d’une infrastructure.

« Les gens oublient que quand ils vont aux États-Unis, il y a des péages sur les routes, il y en a partout », dit-elle, ajoutant que la tarification kilométrique est d’ailleurs plus équitable qu’un péage fixe – sur un pont, par exemple.

La mesure proposée permettrait aussi de faire assumer au secteur du camionnage les coûts externes de son utilisation des infrastructures routières publiques, ce qui n’est pas le cas actuellement et ce qui lui donne un net avantage, souligne Mme Morency.

Elle ajoute que le gouvernement a la responsabilité de rendre les choix écologiques plus avantageux, ce qui n’est pas le cas actuellement en matière de transport de marchandises.

C’est plus facile aujourd’hui de faire transporter des marchandises dans un camion à moitié vide, et c’est moins cher. C’est ça qu’il faut changer.

Catherine Morency, Polytechnique Montréal

Propositions « intéressantes »

D’autres propositions du comité sont toutefois « intéressantes et plusieurs sont déjà en réalisation », affirme le cabinet de la ministre Guilbault, citant la réhabilitation de voies ferrées en Gaspésie et dans la région de Chaudière-Appalaches, ainsi que la stratégie maritime gouvernementale.

« Des sommes importantes sont d’ailleurs investies dans le transport ferroviaire et maritime », affirme la ministre par l’entremise de son attachée de presse, Léonie Bernard-Abel.

Or, ces sommes représentent une faible proportion des investissements pour décarboner le secteur des transports, relevait justement l’avis du comité, soulignant que « seulement 55,3 millions de dollars sont consacrés en priorité aux modes autres que le routier » sur les 476 millions du plan vert de Québec.

« Ce n’est pas suffisant », affirme Catherine Morency.

Les émissions de GES du secteur du transport routier de marchandises ont augmenté de 61 % entre 1990 et 2021, alors qu’elles doivent être réduites à zéro d’ici 2050, rappelle la professeure.

« Plus on attend, plus les grosses transformations vont être pénibles et coûteuses », dit-elle.