En janvier 2022, l’éruption du volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha’apai, dans le Pacifique, a provoqué l’afflux d’importantes quantités de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Plus de 18 mois plus tard, cet évènement est-il responsable des records de chaleur enregistrés au cours de l’été partout sur la planète ?

C’est la nouvelle lubie des climatosceptiques. Si le mois de juillet a fracassé le record de chaleur depuis au moins l’ère préindustrielle, c’est la faute au volcan Hunga Tonga, situé dans l’océan Pacifique, qui a provoqué l’arrivée de millions de tonnes de vapeur d’eau dans la stratosphère. En effet, comme le CO2, la vapeur est aussi un gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement planétaire.

Sur Twitter/X, jeudi, l’Association des climato-réalistes affirme que « le volcan des Tonga (janvier 2022) et le cycle solaire 25 bien plus fort que prévu sont deux causes principales de l’accélération du réchauffement cette année, et non pas le CO! ».

Toujours sur Twitter/X, Carlos Ramirez, qui se présente comme un chercheur indépendant sur le climat, a écrit, le 3 août, que « l’anomalie (ref 1991-2020) positive de température du mois de juillet, ayant presque atteint le record du climat récent de 2016, ne peut pas être attribuée au CO2 total et encore moins pour la proportion anthropique ». Le Québécois, qui écrit sous un pseudonyme, évoque « l’éruption sous-marine du volcan Hunga Tonga » et conclut que « les politiques et médias subventionnés ne tiendront pas en compte ces puissantes variables naturelles et continueront certainement à culpabiliser l’homme ».

Les climatologues ripostent

La théorie du Hunga Tonga s’est en effet répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, à un point tel que plusieurs climatologues réputés ont cru bon de corriger le tir au cours des derniers jours.

« Le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai est facilement devenu le commentaire numéro un que je reçois en réponse aux récents records de température globale. D’une manière ou d’une autre, l’éruption de 2022 est responsable de tout le changement climatique mondial… Toujours amusant de deviner leur “théorie” de la semaine ! ! ! », a écrit sur Twitter/X le climatologue Zack Labe, de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

« Il ne s’agit pas d’aérosols sulfatés. Ce n’est pas l’éruption de Tonga. Il ne s’agit pas de licornes ou de poussière de fée. Il s’agit d’un réchauffement d’origine humaine causé par la pollution par le carbone (auquel s’ajoute une importante variation naturelle de La Nina à El Niño) », a affirmé, le 4 août dernier, le climatologue américain Michael Mann.

« La dernière excuse des partisans du “tout sauf le CO2 est que l’éruption volcanique du Hunga Tonga est à l’origine de l’été étouffant que nous connaissons. Ce n’est pas le cas, comme je l’explique sur The Climate Brink », a précisé le professeur de sciences atmosphériques de l’Université A&M du Texas, Andrew Dessler.

Pas d’effet important sur le climat

Si une telle quantité de vapeur d’eau ne conduit pas à un effet plus important sur le climat, c’est qu’il faut aussi tenir compte des émissions de sulfure d’hydrogène relâchées par l’éruption. Celles-ci contribuent plutôt à un refroidissement temporaire du climat, comme on a pu l’observer par le passé, explique le scientifique, dans son analyse publiée mercredi sur le site The Climate Brink.

L’impact global du HT [Hunga Tonga] sera donc la différence nette entre l’effet refroidissant des aérosols et l’effet réchauffant de la vapeur d’eau. […] Des travaux antérieurs ont conclu que l’impact du HT sur le climat est faible, et deux sur trois suggèrent que son principal effet est de refroidir le système climatique.

Andrew Dessler, professeur de sciences atmosphériques de l’Université A&M du Texas, dans une analyse publiée sur le site The Climate Brink

« L’éruption du Hunga Tonga a été un évènement climatique fascinant, et de nombreux articles analysant ses effets à l’échelle régionale et mondiale seront publiés dans les mois à venir. Mais jusqu’à présent, rien ne prouve qu’elle ait eu un effet important sur les températures mondiales en 2023. La seule estimation publiée dont nous disposons est de ~ 0,03 °C », a précisé le climatologue Zeke Hausfather, sur Twitter/X le 8 août dernier.

En entrevue avec La Presse, Alejandro Di Luca, professeur au département des sciences de la Terre à l’UQAM, a indiqué que l’éruption du Hunga Tonga n’a apporté « qu’une petite contribution » au réchauffement observé cet été. « On parle d’un impact de 0,03 degré sur un réchauffement d’environ 0,2 degré observé en juillet. C’est très insignifiant. »

Selon Dominique Arseneault, professeur à l’Université du Québec à Rimouski et auteur d’une étude sur l’impact des volcans sur le climat et la croissance des arbres, « les négationnistes se font prendre à leur propre jeu ». « Ils sont d’accord pour dire que les émissions de vapeur d’eau [un gaz à effet de serre] changent le climat, mais ils ne sont pas d’accord pour les gaz comme le CO2 [aussi un gaz à effet de serre], qui n’aurait pas d’impact sur le climat, selon eux. »

« Ils [les climatosceptiques] essaient de s’accrocher à ce qu’ils peuvent, et il ne leur reste plus beaucoup de choses auxquelles s’accrocher », ajoute Alejandro Di Luca.

Observez l’éruption du volcan Hunga Tonga vue de l’espace (en anglais) Lisez l’analyse du climatologue Andrew Dessler (en anglais) Lisez l’analyse du climatologue Zeke Hausfather (en anglais)
En savoir plus
  • 10 km3
    L’éruption du Hunga Tonga a projeté environ l’équivalent de 10 km3 de roches, de cendres et de sédiments, provoquant une colonne haute de 58 km qu’on a pu observer depuis l’espace.
    Source : BBC
    2600 éclairs par minute
    L’éruption a aussi provoqué un tsunami dont les vagues ont atteint 45 m de haut, ainsi qu’un orage produisant 2600 éclairs par minute pendant environ 11 heures.
    Source : BBC