Comment ils sont passés de la parole aux actes

(Bedford) Les grenouilles coassent, les carouges à épaulettes volettent et quelques cerfs broutent derrière la butte… sous laquelle se cachent des millions de tonnes de pierre inerte.

Ce qui aurait pu n’être qu’un immense monticule rocailleux, sans végétation et sans vie, est depuis peu un « parc récréotouristique » qui fait la fierté de Bedford et des municipalités voisines, en Estrie.

Inauguré le 21 juin après cinq ans de travaux, le parc Héritage est construit sur les haldes de la carrière Graymont, qui extrait à quelques battements d’ailes de là de la pierre calcaire pour fabriquer de la chaux vive.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Alexandre Renaud, directeur des opérations pour les Cantons-de-l’Est de Graymont

« Sans le projet Héritage, l’usine serait fermée aujourd’hui », affirme catégoriquement le directeur des opérations pour les Cantons-de-l’Est de l’entreprise, Alexandre Renaud.

Car pour poursuivre ses activités au-delà de 2020, Graymont a réalisé une décennie plus tôt qu’elle devait trouver un endroit où déposer 32 millions de tonnes de « pierre non valorisable ». Cette ardoise friable de mauvaise qualité, pour laquelle aucune utilité n’a été trouvée, se trouvait au-dessus de son gisement de calcaire.

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La première phase du projet, maintenant terminée, consistait donc à aménager deux premières buttes avec environ 20 % du volume total de pierre.

Toutes les idées ont été étudiées, de la mine souterraine – jugée non rentable – à l’expédition de la pierre dans des fosses existantes, situées à des kilomètres à la ronde.

« On a fait la cartographie des trous disponibles [et] il fallait aller loin », raconte M. Renaud. Sans compter qu’une telle opération aurait nécessité plus de deux millions de transports par camion, avec les émissions de gaz à effet de serre (GES) que cela aurait impliqué.

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La veille de l’inauguration, des gens fréquentaient déjà le nouveau parc même si les lieux n’étaient pas encore officiellement ouverts.

L’idée d’aménager des haldes à la périphérie de la propriété de l’entreprise, sur des terrains lui appartenant et sur d’autres appartenant aux municipalités de Bedford, du canton de Bedford et de Stanbrige Station, a plutôt été retenue.

Et pour que tous y trouvent leur compte, Graymont a proposé d’y aménager un parc, dont elle cédera sous peu la propriété à une fiducie qui en assurera la gestion.

10 000 arbres

La première phase du projet, maintenant terminée, consistait donc à aménager deux premières buttes avec environ 20 % du volume total de pierre.

Dix mille arbres y ont été plantés, des sentiers de randonnée ainsi qu’un amphithéâtre extérieur y ont été aménagés, et un pavillon d’accueil, des jeux d’eau et un stationnement y ont été construits.

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Un amphithéâtre extérieur a été aménagé.

Une troisième butte, beaucoup plus grosse, sera aménagée au cours des 15 prochaines années avec les 80 % de pierre restants ; celle-ci sera aussi végétalisée, mais elle ne sera pas ouverte au public, servant plutôt de mur-écran avec la carrière.

Au total, le site aura une superficie de 70 hectares.

Un tel projet n’est toutefois pas sans impact environnemental, reconnaît Alexandre Renaud, qui soutient que l’entreprise a fait ses devoirs, notamment en compensant in situ la totalité des milieux naturels détruits, en plus d’en recréer ailleurs dans la région.

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De la pierre de la carrière

Deux ruisseaux ont été déplacés, deux autres ont été créés, et des bassins de sédimentation ont été aménagés pour gérer les eaux de ruissellement provenant des monticules de pierres.

Avant d’aménager ces monticules, qui atteignent 45 mètres de hauteur, l’argile « de bonne qualité » qui s’y trouvait a été retirée et entreposée, puis utilisée pour recouvrir la pierre inerte et favoriser la végétalisation du site, explique Maxime Descôteaux, spécialiste principal en santé, sécurité et environnement de l’entreprise.

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Maxime Descôteaux, spécialiste principal en santé, sécurité et environnement de Graymont

Graymont finance la totalité de ce projet qu’elle qualifie de « titanesque », qui devrait lui permettre de poursuivre ses activités pendant 20 à 30 ans, mais ne dévoile pas l’ampleur de l’investissement.

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Le projet a été réalisé en tenant compte de l’avis de la population.

Attrait régional

Le nouveau parc fait « une grosse différence pour la communauté », estime le maire de Bedford, Claude Dubois – « pas le chanteur », précise-t-il –, qui y voit un attrait régional.

« Les gens viennent déjà », disait-il à La Presse le jour de l’inauguration, alors que les lieux n’étaient pas encore officiellement ouverts.

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Graymont a aménagé un parc dont elle cédera sous peu la propriété à une fiducie qui en assurera la gestion.

La solution proposée par Graymont permet de « sécuriser des emplois bien rémunérés » – la carrière emploie quelque 70 personnes – tout en limitant les nuisances et en apportant un bénéfice pour les résidants de la région, estime-t-il.

Surtout, le projet a été réalisé en tenant compte de l’avis de la population ; « il y a eu beaucoup de consultations publiques », dit-il.

En savoir plus
  • 1928
    Ouverture de la carrière de Bedford par la Shawinigan Chemicals Ltd ; la vocation première était alors la fabrication du carbure et du noir à fumée
    Source : Graymont
    420 000 tonnes
    Production annuelle de chaux vive de la carrière de Bedford
    Source : Graymont
  • 160 000 tonnes
    Production annuelle d’agrégats spécialisés de la carrière de Bedford
    Source : Graymont