(Montréal) Même s’il s’attend à se faire « harceler » par les grands acteurs de l’industrie aérospatiale à ce sujet, le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, reste à convaincre sur la pertinence d’accorder des blocs d’énergie pour le développement de projets de carburant durable dans le secteur aérien.

Questionné sur le sujet vendredi par le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, le ministre a dit que la réponse était « compliquée ». Il s’attend à être « harcelé » par les grands acteurs de l’industrie sur le sujet durant le prochain salon du Bourget en juin. « On ne dit pas non, mais… »

Appelé à clarifier sa position après la conférence, M. Fitzgibbon a reconnu, en mêlée de presse, qu’il devait encore se faire une tête sur le sujet. « On n’a pas décidé encore », répond-il.

« Le SAF (carburant durable), c’est un peu comme l’hydrogène. Ça prend de l’hydrogène pour faire du SAF. Il faut faire attention parce que la capacité énergétique (du Québec) est limitée. »

Le gouvernement Legault veut que les projets d’hydrogène aient une utilisation au Québec. Or, cela semble peu probable avec le carburant durable pour des avions qui feraient des liaisons internationales, explique le ministre.

Le carburant durable est produit en captant le CO2 des grands émetteurs industriels, qui est par la suite synthétisé avec de l’hydrogène renouvelable.

Dans un contexte plus large, M. Fitzgibbon a rappelé que le gouvernement devra faire des choix, car les demandes de bloc d’énergie pour des projets industriels excèdent la capacité énergétique d’Hydro-Québec.

Son ministère va analyser une première liste de 23 projets en juin pour un bloc de 3200 mégawatts (MW) « On va décider début juillet, pour lesquels on dit “oui”, “non” ou “non, mais…” »

Un « projet de société »

À Montréal, le Consortium SAF+ tente d’obtenir un bloc d’énergie de « plus de » 300 MW pour une usine qui produirait 100 millions de litres de carburant durable en 2028. Le consortium compte Air Transat et Airbus parmi ses partenaires.

Malgré les hésitations du ministre, le président et directeur général de Consortium SAF+, Jean Paquin, estime que son projet est « aligné » sur les objectifs du gouvernement Legault.

Il souligne que l’empreinte carbone de son carburant durable sera 92 % inférieure au carburant classique. Une usine pilote est déjà en fonction dans l’est de Montréal.

« Le ministre a toujours mis l’emphase sur le besoin de faire la transition énergétique au Québec en décarbonant les industries du transport. L’aviation, c’est un hub important au Québec. […] Il faut comprendre que dans l’aviation, il n’y a pas d’autres solutions que du SAF. »

Même si les avions qui consommeront du carburant durable sortiront vraisemblablement de l’espace aérien québécois, le projet a des retombées locales en faisant de Montréal une plaque attrayante pour le transport aérien, fait valoir M. Paquin.

« Les avions qui ont besoin de décarboner vont avoir à aller à des endroits où il y a du SAF de disponible, donc non seulement il va y avoir des avions qui vont partir, mais on va avoir des avions qui reviennent et tout ça est relié à l’économie et la richesse locale qui est créée par le transport aérien. »

M. Paquin ignore si son projet fait partie de la liste de 23 projets analysés en juin, car cette liste n’a pas encore été rendue publique. Il souligne cependant que le projet est pour 2028, ce qui donne une certaine flexibilité à Hydro-Québec qui compte augmenter sa capacité énergétique d’ici là. « Le projet, ce n’est pas pour demain. »