L’heure de vérité approche pour les promoteurs industriels ayant soumis des demandes auprès d’Hydro-Québec pour de grands blocs de puissance électrique. Le ministre Pierre Fitzgibbon choisira les gagnants le mois prochain.

Le ministre de l’Énergie rendra publics en juin les projets industriels énergivores qui seront retenus parmi les 23 à l’étude. Au total, plus de 3200 mégawatts (MW) de puissance sont en jeu. L’énergie devrait leur être livrée dans un horizon de 1 à 5 ans environ.

Les projets qui ont été soumis avant le dépôt du projet de loi 2, comme le centre de données de Google à Beauharnois, en Montérégie, et le centre de serveurs de Microsoft à Saint-Augustin-de-Desmaures, dans la région de Québec, sont toutefois déjà assurés d’obtenir l’énergie demandée, du moins dans les phases initiales. Ces projets représentent environ 1700 MW de puissance.

Dans une allocution fort courue devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) vendredi midi, le superministre, qui gère également le portefeuille stratégique de l’Économie, a énuméré les critères d’évaluation qui guideront ses décisions : les projets doivent pouvoir techniquement se connecter au réseau d’Hydro-Québec, ils doivent aussi créer de la richesse, réduire les émissions de gaz à effet de serre et faire la preuve de leur acceptabilité sociale.

Les 23 projets à l’étude ne seront pas tous acceptés. Certains seront acceptés d’emblée, d’autres seront acceptés conditionnellement, et plusieurs seront refusés.

50 projets de plus de 50 MW

« Dans les 20 dernières années, savez-vous combien de projets de plus de 50 MW on a réalisés au Québec ? », a demandé M. Fitzgibbon à l’auditoire pendant son discours. « Un seul. Aujourd’hui, sur mon bureau, il y en a plus de cinquante. La réalité a changé, il fallait changer nos façons de faire. »

Depuis l’adoption du projet de loi 2 le 15 février 2023, c’est le gouvernement du Québec, de concert avec Hydro-Québec, qui autorise les projets industriels qui demandent plus de 5 MW de puissance. Auparavant, la société d’État avait l’obligation de brancher tous les projets de moins de 50 MW.

Volubile, le ministre a abordé plusieurs thèmes dans son discours. Il a notamment donné une estimation de la valeur d’Hydro-Québec si elle était privatisée. Il a parlé des contrats d’exportation, de la nécessité d’ajouter de l’éolien et des besoins grandissants en électricité à l’avenir.

Hydro-Québec vaut jusqu’à 300 milliards

« [Hydro-Québec] est un legs incroyable et notre devoir, c’est de l’honorer, a affirmé le ministre. Et c’est un héritage qui vaut cher. Disons pour faire simple que, comme entreprise privée dans le marché énergétique nord-américain standard, Hydro vaudrait au minimum 250-300 milliards de dollars. Les gens ne le réalisent pas. Mais Hydro, c’est notre géant industriel à nous. C’est la valeur d’entreprises comme Costco, Shell, Toyota, Nike ou Disney. Et cette entreprise, c’est une entreprise publique qui fait la fortune et la fierté des Québécois. »

Pas question de se retirer des contrats d’exportation

« Depuis quelques semaines, j’entends beaucoup de gens soulever des questions sur nos deux gros contrats d’exportation signés dans les dernières années. On a le Massachusetts et on a New York. On peut en discuter tant qu’on veut, mais le Québec va honorer ses engagements. À l’époque, si on avait connu le contexte actuel, est-ce qu’on se serait posé d’autres questions ? Bien sûr. »

Toujours plus d’éolien

« On compte environ 40 parcs éoliens en service au Québec. Ils produisent près de 4000 MW d’énergie. Je veux qu’en 2040, la puissance installée en éolien soit quadruplée. Ça, c’est le minimum. J’ai annoncé, en mars dernier, un appel d’offres pour un bloc de 1500 MW d’énergie éolienne. On veut lancer un autre appel d’offres encore plus important dans les prochains mois. » Les éoliennes ont le mérite de se construire rapidement et de se raccorder aisément au réseau d’Hydro-Québec, selon leur emplacement.

Le chiffre de 100 TWh ne tient plus

De combien d’électricité le Québec a-t-il besoin pour décarboner son économie ? On ignore la réponse précise, mais ce sera plus de 100 térawattheures (TWh), a indiqué Pierre Fitzgibbon. « [Ce chiffre] ne tient plus la route. On n’est pas à 100 », a-t-il affirmé. Ce chiffre venait des projections d’Hydro-Québec reposant sur l’histoire récente du Québec. « Dans les dernières années, il y a un seul projet de plus de 50 MW. Aujourd’hui, il y en a cinquante », a répété le ministre.

Une version antérieure de l'article indiquait à tort que 3000 MW seraient attribués en juin.