La Ville de Montréal veut planter 500 000 arbres d’ici 2030. Or, planter des arbres, c’est bien, mais planter les bonnes espèces aux bons endroits, c’est encore mieux. Telle est la devise d’une étude québécoise qui permettrait d’améliorer considérablement la diversité de la forêt urbaine de la métropole afin de faire face plus efficacement aux changements climatiques.

Survivre aux changements climatiques

C’est en quelque sorte un secret de polichinelle : les arbres stockent du carbone et permettent de rafraîchir tout un quartier s’ils sont en nombre suffisant. Mais encore faut-il qu’ils puissent survivre aux aléas changeants d’un climat en profonde transformation. Pour y arriver, la clé, c’est d’améliorer l’indice de diversité fonctionnelle de la forêt urbaine à Montréal. C’est justement l’objet d’un rapport préparé par des chercheurs québécois, qui a été présenté mardi au congrès de l’Acfas. L’objectif était de répondre à trois questions préalables avant de commencer un programme de plantation d’arbres : où est-il possible de planter des arbres, où faudrait-il planter en priorité et quelles espèces d’arbres faudrait-il privilégier ?

Il fera de plus en plus chaud à Montréal

Rappelons que la Ville de Montréal s’est donné comme objectif de planter 500 000 arbres sur son territoire d’ici 2030, entre autres dans les quartiers qui sont les plus vulnérables aux vagues de chaleur. Montréal en aura bien besoin, selon le consortium québécois Ouranos, spécialisé dans l’étude des changements climatiques. Les températures moyennes dans les principaux quartiers montréalais augmenteront de 3 à 6 degrés Celsius d’ici la fin du siècle, selon les modélisations d’Ouranos. Mais planter des arbres ne sera pas suffisant, il faut également s’assurer de planter les bonnes espèces aux bons endroits. L’étude produite par la firme Habitat pour la Fondation David-Suzuki présente un scénario de plantation « optimisé » qui tient notamment compte de la vulnérabilité à cinq aléas climatiques : les vagues de chaleur, les sécheresses, les pluies abondantes, les crues et les tempêtes.

Améliorer la diversité

La firme Habitat, fondée par les chercheurs Jérôme Dupras, Christian Messier et Andrew Gonzalez, a pu établir l’indice de diversité fonctionnelle de la forêt urbaine à Montréal. Celui-ci affiche actuellement une note de 3,7 sur une possibilité de neuf points. Selon le rapport, la diversité fonctionnelle des arbres se base sur leurs caractéristiques biologiques et « leur capacité à répondre à différents facteurs de stress connus, comme la sécheresse, la compaction du sol ou les inondations ». « Par exemple, les érables sont résistants aux pluies et aux crues, mais vulnérables aux épisodes de sécheresses et de vents violents, tandis que les chênes ont une plus grande tolérance aux sécheresses », indique le rapport. Selon les chercheurs, l’indice de diversité de la forêt montréalaise pourrait grimper à 8,2 points en plantant des espèces d’arbres « avec des caractéristiques biologiques et des vulnérabilités complémentaires ».

INFOGRAPHIE FOURNIE PAR HABITAT

Les cinq familles d'arbres qui permettaient d'améliorer la diversité du couvert forestier à Montréal.

Une occasion de faire mieux

L’étude présente cinq familles d’espèces d’arbres, qui possèdent des caractéristiques différentes, a expliqué à La Presse Sylvia Wood, directrice de la recherche et du développement à la firme Habitat. « L’important est d’avoir une meilleure biodiversité dans la forêt urbaine, explique-t-elle. Souvent, on a planté la même espèce d’arbre dans une rue. Dans certains secteurs, il n’y a que des érables alors qu’il n’y a que des tilleuls dans d’autres secteurs. Les espèces ne sont pas réparties de manière équitable, mais on doit avoir une plus grande variété dans chaque secteur. » Selon Sylvia Wood, l’agrile du frêne qui a durement touché la canopée montréalaise représente une rare occasion d’améliorer la diversité du couvert forestier urbain.

Les dangers du statu quo

Dans l’éventualité où l’on procéderait à la plantation de 500 000 arbres en respectant les mêmes proportions d’espèces que l’on trouve actuellement à Montréal, l’indice de diversité fonctionnelle ferait quasiment du surplace, passant de 3,7 à 3,9 points sur une échelle de neuf points. « La diversité fonctionnelle constitue l’indicateur le plus pertinent à considérer lorsqu’on souhaite planter de nouveaux arbres urbains et assurer la durabilité de ce couvert à long terme », signale le rapport, qui a été dévoilé officiellement en novembre dernier. « Il faut choisir rapidement les bonnes espèces [à planter] pour faire face aux changements climatiques », ajoute Silvia Wood, considérant qu’elles n’atteignent pas toutes leur taille adulte à la même vitesse.

Planter dans les quartiers moins favorisés

Dans un « scénario d’équité et de résilience climatique », c’est dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles où il faudrait planter le plus d’arbres, soit tout près de 84 000 d’ici 2030. Selon l’étude d’Habitat, c’est l’arrondissement de Saint-Léonard qui bénéficierait cependant de la plus forte hausse de sa canopée, à 7,1 % suivi de Montréal-Nord (6,6 %) et de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (6,3 %). Un scénario qui permettrait de combler en partie une iniquité constatée dans plusieurs études scientifiques : il y a généralement moins d’arbres dans les quartiers les moins favorisés dans les grandes villes.

IMAGE TIRÉE DU RAPPORT DE LA FIRME HABITAT

L'indice de canopée varie grandement selon les arrondissements à Montréal.

Consultez le rapport de la firme Habitat
En savoir plus
  • 24,3 %
    L’indice de canopée à Montréal est présentement de 24,3 %. Celui-ci pourrait passer à 27,8 % selon le scénario présenté par la firme Habitat.
    Source : ville de Montréal et habitat
    758 162
    Il serait théoriquement possible de planter 758 162 nouveaux arbres à Montréal, soit 398 090 en territoire public et 360 072 sur des terrains privés. La Ville de Montréal estime cependant pouvoir en planter 500 000 afin de tenir compte de la présence d’infrastructures souterraines et de surface.
    Source : rapport de la firme Habitat