La hausse du niveau de la mer va en s’accélérant sur les côtes du sud-est des États-Unis, menaçant tant les populations que les milieux naturels et les infrastructures, indiquent de nouvelles études.

Selon les plus récentes données, des millions d’habitants établis près des côtes sont susceptibles de vivre des variations climatiques – dont des ouragans – plus dévastatrices que celles des décennies précédentes. De grandes villes comme Houston, Miami, Charleston et La Nouvelle-Orléans sont à risque.

Plus concrètement, le niveau des eaux bordant les côtes du Sud-Est américain et celles du golfe du Mexique se serait relevé de 12,7 cm depuis 2010, indique une récente étude de l’Université de l’Arizona. Cette augmentation est beaucoup plus importante que la moyenne des décennies précédentes.

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Le pont menant de Fort Myers à Pine Island, en Floride, a été lourdement endommagé par le passage de l’ouragan Ian, en septembre dernier.

« Toute cette région ressent les impacts de ce phénomène, a indiqué au Washington Post l’auteur Jianjun Yin, professeur de géosciences. Le niveau de l’eau enregistré après le passage de l’ouragan Ian [septembre 2022] est un record imputable à la combinaison du haut niveau de la mer et de l’onde de la tempête. »

Le passage d’Ian, faut-il le rappeler, a dévasté une partie de la côte ouest de la Floride, laissant des dommages estimés à 113 milliards US.

Une autre étude de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA), organisme fédéral, indique aussi une hausse moyenne du niveau de la mer de 0,5 po (1,27 cm) par année entre 2010 et 2022 dans la région de Pensacola, en Floride. En comparaison, la moyenne enregistrée a été de 1/12 de po (0,21 cm) par an entre 1923 et 2009.

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Le Washington Post ajoute néanmoins que les constats réalisés sur une période relativement courte (2010-2022) laissent certains scientifiques sceptiques. « D’ordinaire, les chercheurs préfèrent s’appuyer sur des données étalées sur des décennies », dit-on.

« Il est évident qu’il faut demeurer prudent sur la généralisation d’une tendance observée sur seulement une douzaine d’années », indique, dans un échange de courriels, Pascale Biron, professeure titulaire au département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia.

Elle indique qu’il faut tenir compte de certaines « variabilités naturelles » comme le phénomène de La niña qui peut « engendrer une baisse des niveaux marins ».

[Les récentes études] sont publiées dans des revues scientifiquement très crédibles, et rejoignent un consensus assez généralisé en science sur l’accélération du rehaussement des niveaux marins.

Pascale Biron, professeure titulaire au département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia

Mme Biron nous renvoie aussi à une récente recherche de la NASA concluant qu’au cours des 30 dernières années, l’élévation du niveau de la mer causée par les activités humaines a été 10 fois supérieure à l’élévation naturelle.

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Le Canada, qui compte 226 000 km de côtes, n’est pas épargné. Ainsi, un document de la Commission géologique du Canada publié en 2021 indiquait que le niveau des océans pourrait s’élever de 175 cm d’ici 2100 dans certaines régions.

Des collectivités réagissent

Professeure titulaire à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et spécialiste en vulnérabilité urbaine, Isabelle Thomas ne trouve « pas grand-chose d’innovant » dans les nouvelles études, indiquant qu’on sait déjà que « ces territoires souffrent de subsidences ».

Par contre, elle estime qu’on « a pris des initiatives très intéressantes » sur le réaménagement des villes, les types de bâtiments et les types de pratiques afin que « les citoyens s’adaptent aux possibles inondations ».

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Le passage d’Ida en Louisiane en août 2021 a certes causé inondations et dégâts matériels, mais bien que l’ouragan fût encore plus puissant que Katrina, il n’a pas entraîné une catastrophe de la même ampleur que celle survenue 16 ans plus tôt.

Elle donne en exemple le cas de La Nouvelle-Orléans, où elle a vécu et enseigné et qui a appris des leçons à la suite du passage dévastateur de l’ouragan Katrina, en août 2005. Parmi les infrastructures vertes et bleues mises en place pour prévenir d’autres inondations, Mme Thomas évoque le quartier Gentilly, dont un des parcs, Mirabeau Water Garden, peut retenir et drainer plus de 10 millions de gallons (37,8 millions de litres) d’eau des ouragans.

Un autre programme, de la FEMA [Federal Emergency Management Agency], propose de payer les travaux pour surélever de 30 cm des maisons inondées à répétition.

Isabelle Thomas, professeure titulaire à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et spécialiste en vulnérabilité urbaine

Un autre programme à l’essai propose des échanges de terrains pour les résidants en zones très à risque.

Tout cela est bien, mais ne devrait-on pas quitter tout simplement les côtes et les remettre à la nature ? « C’est une question très pertinente et qu’on se pose, répond Mme Thomas. Le problème est qu’on a beaucoup urbanisé nos côtes ! Si on fait des programmes de rachat, il est très important que ce soit en collaboration avec les citoyens pour leur donner la possibilité de se reloger dans des endroits agréables. Pour les familles qui se sont donné des maisons d’une génération à l’autre, il est important de bien faire les choses. »

Avec The Washington Post et The New York Times

Fleuve Colorado : Washington pourrait intervenir

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Le fleuve Colorado, en aval du barrage Hoover, dans le nord-ouest de l’Arizona, le 14 avril 2022

Washington pourrait prendre une décision unilatérale l’été prochain pour forcer sept États du Sud-Ouest à adopter un plan de réduction de la consommation d’eau du fleuve Colorado. Le cours d’eau alimente près de 40 millions d’Américains et deux États du Mexique, en plus d’irriguer quelque 5,5 millions d’acres de terres agricoles. Or, le niveau d’eau du fleuve est si bas qu’il y a un risque réel que l’eau ne s’écoule plus au-delà de grands barrages. Le département de l’Intérieur demande depuis des mois aux États concernés de s’entendre sur un plan de réduction de la consommation. Or, la Californie, plus important consommateur et État avec une préséance, ne s’entend pas avec ses voisins, notamment le Nevada et l’Arizona. Washington pourrait trancher en faveur de la Californie, un grand jardin qui nourrit l’Amérique. Mais l’administration Biden ne peut se mettre à dos l’Arizona et le Nevada, deux États pivots pour la réélection d’un président et de sénateurs démocrates en 2024, rapporte le New York Times. Chose certaine, si le fédéral vient à trancher, ce sera une première dans l’histoire américaine.

En savoir plus
  • 20,3 cm
    Hausse du niveau du lac Pontchartrain baignant La Nouvelle-Orléans depuis le passage de l’ouragan Katrina.
    Source : Federal Tide Gauge Data (NOAA)