À peine une centaine d’automobiles sont entièrement électriques (VEE) à ce jour parmi le parc du gouvernement du Québec, un chiffre encore « très timide » par rapport aux quelque 20 000 voitures qui le composent, selon des experts. Une « transition » semble toutefois s’opérer, l’acquisition de véhicules hybrides rechargeables s’étant accélérée ces dernières années.

« Il faut que ça progresse beaucoup plus vite. L’État a le devoir de prêcher par l’exemple », martèle l’ancien ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs Daniel Breton.

Selon des données obtenues de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) par une demande d’accès à l’information, un peu plus de 110 des 19 230 véhicules du gouvernement actuellement immatriculés sont 100 % électriques, soit moins de 1 % d’entre eux.

Ces chiffres excluent toutefois les véhicules hybrides rechargeables et à pile combustible, que les autorités classent officiellement dans la catégorie de « véhicules électriques ».

À ce jour, le gouvernement possède au moins 1915 voitures hybrides rechargeables, selon des chiffres obtenus auprès de Propulsion Québec, environ 10 % du parc.

De 2017 à 2022, le gouvernement a ajouté 3669 véhicules à son parc, dont seulement 50 sont entièrement électriques, montrent les chiffres de la SAAQ.

Selon la société, c’est le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) qui dispose du plus de véhicules électriques, avec une centaine sur un parc d’environ 8100 véhicules.

Le deuxième propriétaire de véhicules entièrement électriques en importance est le ministère de l’Environnement, qui en aligne 7, soit 1,6 % de ses 449 véhicules.

Gilles Payer, porte-parole du MTMD, confirme par ailleurs que le ministère a acquis 758 véhicules en 2022. De ce nombre, « 393 n’étaient pas électrifiables, en raison de l’offre du marché restreinte ou inexistante : il s’agit de camionnettes, de camions, de véhicules-outils ainsi que de remorques », relate-t-il.

Parmi les 365 véhicules acquis qui sont bel et bien électrifiables, 40 d’entre eux étaient 100 % électriques et 291 étaient hybrides rechargeables. Pour le Ministère, « il est présentement impossible d’électrifier tous les véhicules immatriculés, à titre d’exemple les remorques », avoue M. Payer.

D’ici 2030, le gouvernement vise, cela dit, à avoir électrifié 100 % de ses « véhicules légers, berlines, fourgons, fourgonnettes, minifourgonnettes et VUS », et 25 % des camions légers. Puis, d’ici 2040, on vise à électrifier 100 % des camions lourds du parc gouvernemental.

Portrait « très timide »

Aujourd’hui président de Mobilité électrique Canada, une organisation vouée à la promotion de l’électromobilité, Daniel Breton juge tout de même que le gouvernement est « très timide » dans ses acquisitions de véhicules électriques. « Il faut être plus résolu dans la volonté de faire la transition », dit-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le président de Mobilité électrique Canada, Daniel Breton

Quand j’étais au gouvernement, il y a 10 ans déjà, on avait amené ce principe d’exemplarité de l’État, pour montrer aux gens qu’on est prêts à faire le pas.

Daniel Breton, président de Mobilité électrique Canada

L’ex-élu salue l’acquisition de centaines de véhicules hybrides rechargeables, mais rappelle que « trop souvent », ce type de voiture « roule presque toujours à l’essence ».

« Les supposés gains environnementaux des véhicules hybrides rechargeables sont moindres, puisque les gens ne les branchent pas, surtout quand ce sont des flottes. Il y a aussi beaucoup de systèmes électriques qui ne démarrent pas l’hiver. Et ces hybrides rechargeables, ce sont la majorité des véhicules qui ont été acquis par le gouvernement ces dernières années », raisonne-t-il.

M. Breton dit avoir interpellé le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) à ce sujet. « Ils ne rechargeaient jamais les véhicules et roulaient tout le temps à l’essence. J’étais allé voir les gens au MAPAQ à l’époque pour leur dire que c’était ridicule. […] On s’était fait répondre qu’il n’y avait pas d’obligation d’installer des bornes, et que donc ça n’avait pas été fait », résume l’ancien ministre.

Une « transition », mais…

À Propulsion Québec, la PDG Sarah Houde reconnaît aussi que « les gains sont moindres » avec des véhicules hybrides rechargeables, mais rappelle que ceux-ci sont tout de même « nécessaires pour entamer une transition ».

« Personnellement, je préfère que le gouvernement achète un véhicule hybride rechargeable qu’il rachète un véhicule à essence. Ça fait aussi partie de la transformation des habitudes, des compétences du personnel en entretien, et ça développe aussi une expertise dans la gestion de la recharge », dit Mme Houde, en soulignant que la quantité de bornes de recharge s’est aussi « grandement améliorée » dans les dernières années.

Chose certaine : l’État doit aller « plus vite et plus loin », martèle Sarah Houde.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente-directrice générale de Propulsion Québec, Sarah Houde

Je peux comprendre qu’avec la pandémie, il y a des enjeux d’approvisionnement. Par contre, il y a beaucoup de nouveaux manufacturiers qui produisent toutes les gammes de véhicules électriques.

Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec

« Chaque flotte est différente et chaque scénario de transition doit être vraiment réfléchi. Il ne faut pas se lancer tête première là-dedans », insiste la gestionnaire.

Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, estime aussi que le gouvernement fait, comme le reste de la population, face à des « enjeux d’approvisionnement ».

« Les véhicules électriques souhaités, souvent, ne sont pas disponibles chez les concessionnaires. Ou sinon, pour des raisons d’opération, les véhicules électriques ne sont pas encore adaptés à la mission et aux pratiques du gouvernement », raisonne-t-il.

Avec William Leclerc

En savoir plus
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    Nombre de véhicules électriques au Québec en date de la fin de décembre 2022, ce qui inclut les véhicules hybrides rechargeables et les véhicules 100 % électriques. Au Canada, on en comptait 347 573 en date de juin dernier.
    SOURCE : Association des véhicules électriques du Québec