Les contenants de lait d’un blanc immaculé seront bientôt chose du passé pour Nutrinor. La coopérative laitière du Saguenay–Lac-Saint-Jean change la plupart de ses emballages pour un produit plus écologique, un geste qui aura toutefois un faible impact, explique une experte.

Tous les types de lait en format de 1 litre et de 2 litres embouteillés depuis le 10 janvier le sont dans des contenants multicouches faits de carton non javellisé, ce qui leur donne une couleur naturelle.

Ces nouveaux emballages contiennent aussi moins de matières que les précédents – ils sont par exemple dépourvus de revêtement glacé à l’extérieur, ce qui leur donne une texture différente – et nécessitent moins d’étapes de fabrication, ce qui réduit leur empreinte carbone de moitié, soutient l’entreprise.

Nutrinor dit toutefois ignorer si une analyse de cycle de vie a été réalisée pour confirmer cette affirmation.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) restantes sont compensées par l’achat de crédits carbone par le fabricant Elopak, qui affirme ainsi que l’emballage est carboneutre.

« Le but, c’est de réduire cette compensation-là et éventuellement de réduire à la source ces émissions pour avoir un emballage carboneutre qui ne soit pas en partie carbocompensé, mais la technologie n’est pas rendue là », a expliqué dans un entretien avec La Presse Michael Norman, chef de la direction de Nutrinor.

PHOTO FOURNIE PAR NUTRINOR

Michael Norman, chef de la direction de Nutrinor

Ce n’est pas parce qu’on a lancé un emballage carboneutre que tout le travail est fait.

Michael Norman, chef de la direction de Nutrinor

La coopérative dit aussi travailler avec son fournisseur pour réduire l’impact environnemental de ses autres emballages, comme les berlingots de crème ou les sacs de lait en plastique.

Effet minime

Si louable soit l’initiative, elle n’aura qu’un effet minime sur l’ensemble de l’impact environnemental du lait, souligne l’ingénieure Catherine Houssard, agente de recherche au Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG), à Montréal.

« C’est une toute petite partie, c’est un début », dit-elle, expliquant que la pollution de l’environnement par les fertilisants et les pesticides utilisés dans l’industrie laitière est plus importante que celle liée aux emballages des produits.

« Les consommateurs croient encore que les problèmes environnementaux sont liés aux emballages », ce qui incite les entreprises à agir sur cet aspect en premier lieu, dit-elle.

Nutrinor en est bien consciente, assure Michael Norman, rappelant que la coopérative a adopté en 2020 son « Pacte agricole durable », qui vise à mettre en place de meilleures méthodes de production à la ferme ; tout le lait produit par Nutrinor provient de vaches en liberté, illustre-t-il.

Là où on pouvait agir rapidement, c’était sur le plan des emballages ; c’est une étape parmi tant d’autres.

Michael Norman, Nutrinor

« Pour se battre contre les gros joueurs, il faut être différent », affirme M. Norman, disant faire le pari qu’à prix égal – car ces changements se font sans majorer les prix, assure-t-il –, les consommateurs privilégieront un produit plus durable.

La coopérative ne cache pas qu’elle espère par ces initiatives accroître sa place sur les tablettes à l’extérieur du Saguenay–Lac-Saint-Jean, où ne sont distribués pour l’instant que certains de ses produits.

Empreinte carbone

Nutrinor compense en outre les émissions de GES liées au transport du lait, « de la ferme au marché », qui s’élèvent à 1340 tonnes annuellement.

Mais cette réduction de l’empreinte carbone de la coopérative laitière, même additionnée à celle liée au changement d’emballage, n’est pas non plus significative, indique Mme Houssard.

« Quand on réduit l’empreinte carbone [de l’emballage], on réduit moins de 3 % de l’impact », dit la spécialiste, qui ajoute que le transport représente lui aussi environ 3 %.

En gros, c’est 6 % de l’impact de la bouteille de lait.

Catherine Houssard, agente de recherche au CIRAIG

Cela dit, le lait québécois a « l’une des plus faibles empreintes carbone au monde », à 0,93 kilogramme d’équivalent dioxyde de carbone (kg éq. CO2) par litre, alors que la moyenne mondiale avoisine les 2 kg éq. CO2, souligne-t-elle.

En ajoutant le transport, la transformation, l’embouteillage, la livraison et les pertes, l’empreinte carbone totale atteint 1,3 kg éq. CO2.

Compensation carbone critiquée

Catherine Houssard estime que les efforts de l’industrie laitière méritent d’être soulignés, mais s’inquiète des prétentions de carboneutralité, qui se multiplient dans le commerce en général.

« Il n’y a pas de standard, de certification disponible pour la carboneutralité », ce qui ouvre la porte à de l’écoblanchiment, explique-t-elle.

« On se retrouve comme il y a 10 ans avec les produits "verts", où tout le monde s’est mis à faire plein de labels maison, et finalement, on a perdu la confiance des consommateurs », rappelle la chercheuse spécialisée dans le domaine agroalimentaire.

Elle ajoute qu’il faut d’abord travailler à réduire au minimum possible les émissions de GES avant de compenser celles qui sont impossibles à éliminer.

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Une version précédente de ce texte indiquait que la coopérative Nutrinor compte 1051 producteurs laitiers. Or, il s’agit plutôt de producteurs agricoles, dont certains sont des producteurs laitiers.

En savoir plus
  • 1051
    Nombre de producteurs et de productrices agricoles que compte la coopérative Nutrinor
    Source : Nutrinor