Il y a cinq ans, alors qu’il tournait autour du monde dans la Station spatiale internationale, l’astronaute français Thomas Pesquet s’est amusé à prendre le continent européen en photo, de nuit, en soulignant la luminosité particulière de la Belgique. Devenues célèbres, ses photos ont amené peu après le New York Times à qualifier le pays de Jacques Brel de champion mondial de la pollution lumineuse. En plus de mettre en évidence une singularité des autoroutes belges : ce sont les seules en Europe qui sont éclairées sur toute leur longueur, et durant toute la nuit. Et les seules, aussi, dont le tracé soit reconnaissable de l’espace !

Sur un territoire grand comme la Mauricie, l’éclairage des 1763 kilomètres d’autoroutes du pays requiert ainsi un invraisemblable total de 2,2 millions de lampadaires. En comparaison, le ministère des Transports du Québec en dénombre un peu moins de 80 000 sur son territoire, qui est 50 fois plus grand que la Belgique.

Cela n’avait pas beaucoup changé en 2021, quand l’astronaute a refait de nouvelles photos du pays lors de sa seconde mission à bord de la SSI. Il a fallu l’explosion des coûts de l’énergie en Europe, amplifiée par la guerre en Ukraine, au printemps 2022, pour qu’on commence finalement à remettre en question la nécessité d’éclairer aussi intensément les autoroutes.

En région flamande, la moitié des 883 km d’autoroutes ne sont déjà plus éclairés durant la nuit depuis 2011. Mais en région wallonne, qui compte 869 km d’autoroutes sous sa responsabilité, c’est seulement depuis le 15 décembre qu’on éteint des luminaires routiers. Et encore, pas trop, pas partout et pas trop longtemps. De 0 h 30 à 5 h 30 seulement. À certains endroits, un luminaire sur deux sera allumé. Ces changements pourraient générer des économies estimées à 300 000 euros (environ 435 000 $ CAN) par année.

C’est assez modeste. Mais ce sont quand même les premières économies découlant d’un projet plus ambitieux lancé en 2019 en région wallonne : le Plan Lumières 4.0 vise le remplacement de centaines de milliers de luminaires au sodium par des systèmes d’éclairage à diodes électroluminescentes (DEL), sur une durée de plus de 20 ans. La facture d’électricité annuelle du réseau autoroutier serait réduite à terme de 76 %, selon les prédictions.

Le défi du Québec

Cela peut paraître ambitieux. C’est, en fait, un peu lent si on considère « l’urgence » énergétique qui saisit toute l’Europe. Et encore plus en songeant qu’au Québec, le ministère des Transports prévoit remplacer presque 80 000 luminaires à lampe au sodium haute pression (SHP) ou à lampe aux halogénures métalliques (HM) de son réseau, et ce, en six ans. C’est plus de trois fois plus vite qu’en région wallonne.

Lancé en novembre 2021, le programme de modernisation du réseau d’éclairage routier provincial, doté d’un budget de 190 millions, a déjà permis l’installation de 7000 nouveaux luminaires DEL.

On peut les voir sur le pont Louis-Bisson, entre Montréal et Laval, depuis la fin des travaux de réfection, ou sur l’autoroute 40, à Sainte-Anne-de-Bellevue, et sur le pont de l’Île-aux-Tourtes, à l’extrême ouest de l’île de Montréal.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Les nouveaux luminaires à DEL du ministère des Transports

Selon le ministère des Transports du Québec, la modernisation de l’éclairage permettra de réduire de 40 % la facture d’électricité du réseau routier, qui s’est élevée en 2020 à 14,2 millions. À terme, le MTQ prévoit des économies annuelles de 5,4 millions, soit 4,8 millions en coûts d’électricité et 600 000 $ en coûts d’entretien évités.

Évidemment, si le Québec éclairait, comme la Belgique, la totalité de ses 4035 km d’autoroutes, ce serait une autre histoire. Au Québec, précise le MTQ, de nombreux critères sont pris en considération pour évaluer la pertinence d’installer ou non un système d’éclairage, dont les débits de circulation, le type de milieu traversé, la présence d’usagers vulnérables (piétons, cyclistes). En général, les échangeurs, les voies de secours et les zones de convergence aux entrées et sorties des autoroutes, entre autres, sont aussi éclairés.

Avec son Plan Lumières 4.0, la Belgique s’effacera lentement du ciel nocturne européen en supprimant les lumières orange de ses vieux lampadaires au sodium pour la lumière blanche de ses nouveaux luminaires à DEL. Dommage qu’on n’en profite pas pour en réduire le nombre.

Écrivez-nous pour faire partager vos « idées vertes »