(Fredericton) Il existe une relation complexe et inattendue entre la hausse des températures mondiales et la probabilité que le Canada soit frappé par de plus intenses tempêtes de neige.

Les hivers deviennent plus chauds et plus doux qu’auparavant, mais on observe aussi une hausse des évènements météorologiques extrêmes au pays, comme les tempêtes de neige, dit John Clague, professeur de géoscience à l’Université Simon-Fraser en Colombie-Britannique.

Les gens pourraient penser qu’il est illogique de parler de réchauffement climatique et d’une intensification des tempêtes de neige. « Ce que les scientifiques constatent, ce que les changements climatiques provoquent plus d’évènements extrêmes », dit le Pr Clague.

« Cela signifie que nous pouvons avoir des températures très élevées pendant l’été, comme on en connaît en Inde ou au Pakistan depuis les récentes années. Et en hiver, on peut vivre des conditions extrêmement froides. »

Un des facteurs de ces temps extrêmes est le jet-courant. Environnement Canada en donne la définition suivante : « le courant-jet est une bande étroite de vents forts à environ 10 km au-dessus de la Terre, qui marque la ligne de séparation entre les masses d’air chaud et d’air froid ».

Le Pr Clague explique que le jet-courant se déplace d’ouest en est. Il transporte des systèmes météorologiques qui se déplacent plus lentement que la normale. Ceux-ci semblent demeurer stationnaires au-dessus d’une région pendant une période. La masse d’air froid ou d’air chaud qu’il transporte demeure dans l’atmosphère où elle rencontre des couches d’humidité, ce qui provoque de fortes tempêtes de neige ou de pluie.

« Cette interaction entre l’air humide tempéré à basse attitude et l’air plus froid, plus sec de l’Arctique provoque des chutes de neige », dit-il.

Kent Moore, un professeur de physique atmosphérique à l’Université de Toronto, dit que le fait que les changements climatiques provoquent de plus puissantes tempêtes de neige peut sembler un paradoxe. Il existe des preuves que le réchauffement mondial modifie la dynamique de fonctionnement des jets-courants.

Le jet-courant peut avoir de grandes ondulations à mesure que le climat se réchauffe. Cela signifie qu’il ne se déplace plus nécessairement d’ouest en est, mais aussi aller du nord au sud et vice-versa, comme une vague. Il apporte de l’air de l’Arctique en se déplaçant vers le sud, ajoute le Pr Moore.

« On a quelques preuves que le jet-courant adopte une configuration plus onduleuse lorsque le climat se réchauffe. »

L’interaction entre la diminution de la banquise et le réchauffement rapide de l’Arctique diminue le gradient de température du sud au nord du pays, souligne le Pr Moore. Un jeu-courant plus ondulé, ou affaibli, transporte de l’air arctique vers le sud, ce qui crée d’intenses tempêtes de neige.

Les océans jouent aussi un rôle, car le réchauffement cause une plus grande évaporation. « Cela signifie qu’il y a plus de vapeurs d’eau dans l’atmosphère, donc, il y a plus de tempêtes de neige », avance-t-il.

Blair Feltmate, président du centre Intact sur l’adaptation climatique de l’Université de Waterloo, dit que les masses d’air plus chaud contiennent plus d’humidité. Leur énergie thermique est supérieure à celle des masses d’air froid. « Cela cause des précipitations importantes sous forme de pluie en été et d’accumulation de neige en hiver. »

Les températures moyennes mondiales ont augmenté de 1,1 °C à 1,2 °C au cours des 100 dernières années, fait valoir M. Feltmate. Elles ont encore plus augmenté au Canada. Le sud du Canada se réchauffe à un rythme deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Le nord, lui, se réchauffe à un rythme trois fois supérieur à la moyenne mondiale.

« Cela cause du temps atypique dans différentes régions du pays. On pourrait avoir plus de chutes de neige, mais aussi plus de vagues de froid extrême. »

M. Feltmate dit que l’intensité des plus importantes précipitations au cours d’une même année a crû, au cours des six dernières décennies, d’environ 37 % à l’extrémité ouest des Grands Lacs et d’environ 72 % à l’extrémité est.

Selon M. Feltmate, les tempêtes peuvent être attribuées aux changements climatiques.

« C’est un peu comme un joueur de baseball qui joue sous stéroïdes. Tout à coup, ce gars commence à frapper cinq fois plus de coups de circuit, lance-t-il. Bien sûr, ce ne sont pas tous ces circuits qui sont attribuables aux stéroïdes, mais s’il augmente autant sa productivité, on peut établir une relation de cause à effet. Les changements climatiques, ce sont les stéroïdes de la météo. Et ces stéroïdes sont là pour de bon. »