« Je me trouvais à l’intérieur de la COP15, où on négocie. Et eux à l’extérieur, martelant les clôtures. Mais nous voulions la même chose : un monde meilleur », témoigne Jack Hancock, un jeune militant scandinave. Vendredi dernier, il s’est retrouvé face à des manifestants de son âge, séparés d’eux par la clôture du périmètre de sécurité du Palais des congrès. Une expérience saisissante.

À 21 ans, Jack Hancock n’en est pas à sa première manifestation sur des enjeux environnementaux. Il a même déjà organisé un rassemblement de Fridays for Future à Åland, la province autonome de Finlande d’où il vient.

Mais quand il s’est retrouvé face à face avec des centaines de manifestants contre la COP15 sur la biodiversité le 9 décembre dernier, à Montréal, les rôles étaient inversés.

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Jack Hancock, militant scandinave de 21 ans prenant part à la COP15

« J’ai eu l’impression que c’était eux contre moi. Je me tenais là, en costume, portant un badge qui disait que j’avais le droit d’être là. Et je regardais à l’extérieur, des gens de Montréal, de partout dans le monde, qui décriaient ce que je faisais », se souvient-il.

De l’intérieur de la COP15…

Vendredi soir, des centaines de manifestants, dont des étudiants d’un peu partout au Québec, se sont rejoints au carré Saint-Louis à Montréal dans une vaste mobilisation contre le capitalisme et la COP15. Ils ont ensuite pris la rue pour se rendre jusqu’au Palais des congrès, sous un soleil déclinant.

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« Je suis très sceptique par rapport à la COP15. Tant que les États vont prioriser le [produit intérieur brut], par rapport au vivant, on ne pourra jamais arriver à préserver la biodiversité. Il y a une contradiction entre capitaliser les espaces et les protéger ! », avait notamment indiqué à La Presse Marc-Antoine Desrochers, un étudiant sherbrookois lui-même âgé de 21 ans.

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Les intervenants de la COP15 ont dû rester à l’intérieur du Palais des congrès pendant au moins 30 minutes, pendant que les manifestants en faisaient le tour à pied à deux reprises, vendredi dernier.

Au même moment, Jack Hancock voulait quitter le Palais des congrès pour aller chercher son saxophone dans son hébergement, situé près de la Place des Arts. Les policiers lui ont dit que s’il partait maintenant, il ne pourrait pas revenir, en raison de la manifestation. Le jeune homme a choisi de rester sur place.

Il est donc demeuré dans le périmètre du Palais des congrès à l’angle de l’avenue Viger et de la place Jean-Paul-Riopelle, seul civil parmi les policiers. Le périmètre a été fermé et sécurisé. Puis, il a entendu, et vu, la vague de manifestants arriver. « Beaucoup étaient habillés en noir, ce qui signifie généralement qu’ils ne veulent pas être identifiés », souligne-t-il.

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Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées vendredi dernier au centre-ville pour dénoncer l’inertie des dirigeants rassemblés à la COP15 sur la biodiversité.

Les centaines de protestataires se sont rassemblés en criant et en frappant les clôtures de métal qui entourent le Palais des congrès. Dans une grande cacophonie, plusieurs manifestants ont brandi des pancartes, et une personne a aussi soulevé un cône orange. De l’autre côté, à quelques mètres, Jack Hancock a filmé la scène avec son téléphone, avant d’être évacué par les services policiers.

C’était fascinant, excitant et un peu effrayant, tout à la fois. C’était comme regarder un orage : tu n’as pas peur, mais tu es en admiration devant la force de la nature.

Jack Hancock, à propos de la manifestation de vendredi dernier aux abords du Palais des congrès

De l’extérieur de la COP15

À l’extérieur, les protestataires ont marché autour du Palais des congrès pendant une trentaine de minutes, enfermant par le fait même les intervenants de la COP15 à l’intérieur. La manifestation s’est terminée un peu plus loin, rue Sainte-Catherine Ouest, vers 17 h 30.

Ce face-à-face a été un choc pour Jack Hancock. Une piste de réflexion aussi. « Dans mon cœur, je suis divisé, parce que je suis aussi en colère, affirme-t-il. Mais pour moi, ça dépend de la façon dont on utilise la colère. On doit aussi travailler, coopérer, jouer le jeu [des négociations]. »

Il estime que ce qu’il a vécu vendredi dernier reflète l’expérience de nombreux autres jeunes participants à la COP15, plus habitués à la mobilisation citoyenne.

Jack Hancock a lui-même participé à la Grande marche pour le vivant organisée le lendemain, au pied du mont Royal. « À ce moment, c’est moi qui étais à l’extérieur, reflète-t-il. Et qui regardais vers l’intérieur [de la COP15]. »