La première phase des négociations s’achève sur de timides avancées à la 15e conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), à Montréal.

L’ébauche de cadre mondial pour la restauration de la nature à laquelle travaillent les délégués a été épurée d’un grand nombre de crochets, qui encadrent les portions du texte sur lesquelles il n’y a pas consensus.

Les crochets qui ne peuvent être justifiés par les pays qui les ont inscrits sont tout simplement effacés et aucun ajout de crochets n’est désormais autorisé, ont rapporté plusieurs observateurs.

« Je demeure très optimiste, car nous avons déjà largué plusieurs sections de texte au cours des derniers jours », a déclaré vendredi le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault.

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Le président de la COP15 et ministre de l’Environnement de la Chine, Huang Runqi, et Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, mardi dernier

« Ça ne va jamais assez vite à mon goût, mais je demeure convaincu que nous allons réussir à trouver un terrain d’entente. Je rencontre mon homologue chinois [le président de la COP15] presque tous les jours. J’ai parlé à plusieurs de mes homologues qui ne sont pas nécessairement ici, qui vont arriver [la semaine prochaine], pour leur demander de donner des instructions claires à leurs délégations ici pour que les choses avancent. Alors si on met tout ça ensemble, je demeure optimiste. »

M. Guilbeault s’est notamment réjoui du fait que les crochets sont complètement disparus des objectifs 20, 21 et 22, chers au Canada.

Ces objectifs indiquent notamment que le cadre mondial doit s’appuyer sur les savoirs traditionnels et la science, faire une place aux solutions basées sur la nature et reconnaître l’importance d’une approche basée sur le respect des droits de la personne.

La mobilisation des ressources financières nécessaires pour contrer le déclin de la biodiversité demeure toutefois « un enjeu », tout comme la question du « séquençage » des données provenant des ressources génétiques, reconnaît le ministre.

On veut une entente qui soit ambitieuse. Pour plusieurs pays en développement, cette ambition-là doit s’accompagner de ressources financières adéquates. C’est là-dessus qu’on travaille.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

« Ce qu’on voit présentement, c’est que beaucoup de gens qui sont ici sont des négociateurs, des spécialistes de leurs trucs. Ils ne veulent pas laisser aller leurs trucs parce que c’est là-dessus qu’ils travaillent, mais à un moment donné il faut faire des compromis. Il faut que tout le monde mette de l’eau dans son vin », dit M. Guilbeault.

Place aux ministres

Les délégués réunis au Palais des congrès doivent accoucher d’une nouvelle ébauche ce samedi, avant que les ministres des pays membres prennent le relais lors des négociations dites « de haut niveau », à compter de mardi.

« Mais théoriquement, on a encore dimanche et lundi qui sont disponibles s’il faut plus de jours de négociations », a indiqué M. Guilbeault, qui promet de « chercher à insuffler un certain sens d’urgence » au cours des prochains jours.

On ne veut pas que les ministres se retrouvent avec un texte où il y a encore des centaines de crochets.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

« Il y a 196 pays. C’est normal que ça prenne du temps, c’est normal que ça soit compliqué. Les choses avancent. Il faut accélérer le pas pour que, quand les ministres arrivent la semaine prochaine, il n’y ait pas 70 enjeux à négocier, mais qu’il en reste quelques-uns. Les plus délicats politiquement, les plus difficiles », ajoute M. Guilbeault.

La société civile inquiète

Plusieurs organisations de la société civile ont fait part vendredi de leurs inquiétudes quant à l’état des négociations sur un éventuel cadre mondial sur la biodiversité à la COP15.

En conférence de presse, vendredi matin, le directeur général du Fonds mondial pour la nature (WWF), Marco Lambertini, s’est dit déçu du peu de progrès des discussions au troisième jour de la conférence internationale sur la biodiversité qui se tient à Montréal jusqu’au 19 décembre.

On a vu peu de progrès [à ce jour] et des parties qui font perdre du temps. Les leaders [du monde] ont révélé publiquement leurs engagements [pour protéger la nature], c’est donc le temps de mettre ça par écrit.

Marco Lambertini, directeur général du Fonds mondial pour la nature

Le patron du WWF s’est dit préoccupé « par des tentatives de diluer les ambitions » d’un éventuel cadre mondial sur la biodiversité. « Avec les déceptions à la COP27 [sur le climat], c’est encore plus important d’avoir un accord à Montréal », a insisté M. Lambertini.

« C’est notre maison et nous ne pouvons pas accepter de perdre notre maison », a plaidé Hindou Oumarou Ibrahim, présidente de l’Association des femmes et des peuples autochtones du Tchad.