Pendant que le monde cherche à réduire l’utilisation des énergies fossiles pour freiner les changements climatiques, des entreprises canadiennes financent leur expansion sur le continent africain, révèle un rapport rendu public lundi.

La Banque Royale du Canada (RBC), la Financière Sun Life et la pétrogazière ReconAfrica figurent sur la liste des entreprises montrées du doigt dans le rapport « Qui finance l’expansion des énergies fossiles en Afrique ? », produit par une trentaine d’organisations non gouvernementales, dont l’allemande Urgewald.

Leurs investissements dans le pétrole, le gaz et même le charbon en Afrique dépassent les 2,5 milliards de dollars, indique le document, dévoilé en marge de la 27conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27).

Le rapport identifie 200 entreprises qui explorent ou développent de nouvelles réserves de combustibles fossiles ou de nouvelles infrastructures liées à ces réserves, comme des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), des oléoducs, des gazoducs ou des centrales thermiques dans 48 des 55 pays du continent africain.

Au sommet du palmarès trône la française TotalEnergies, qui ambitionne d’ajouter 2,27 milliards de barils équivalent pétrole à sa production africaine, déplore le rapport, qui souligne que l’extraction et la combustion de ces nouvelles ressources équivaudraient à trois années d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France.

Le rapport s’attarde aussi sur la canadienne ReconAfrica, qui « ouvre une brèche pour les forages pétroliers sur plus de 34 000 km⁠2 dans le fragile écosystème du bassin de Kalahari », où elle fore des puits d’essai.

Cette vaste zone de conservation naturelle transfrontalière, où s’écoule la rivière Okavango jusque dans un delta classé au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), chevauche la Namibie et le Botswana.

Financement canadien

Le financement de ces projets liés aux énergies fossiles provient de partout dans le monde, à commencer par le fonds d’investissement états-unien BlackRock, dont la contribution est évaluée dans le rapport à plus de 12 milliards de dollars américains (16 milliards de dollars canadiens).

On trouve également dans la liste des investisseurs la Financière Sun Life, compagnie d’assurance et de placements fondée à Montréal, dont le financement des projets liés aux énergies fossiles en Afrique s’élève à 937 millions US (1,2 milliard CAN).

La Financière Sun Life se targue sur son site internet de « figurer sur la liste des 100 sociétés les plus engagées en matière de développement durable à l’échelle mondiale en 2022 ».

La Banque Royale du Canada figure quant à elle dans « le palmarès des banquiers de l’expansion des énergies fossiles en Afrique », avec un financement totalisant 1,013 milliard US (1,3 milliard CAN), indique le rapport.

« Chaque dollar dépensé pour de nouvelles explorations pétrolières et gazières va à l’encontre de la feuille de route pour [contenir la hausse de température planétaire au] 1,5 °C établi par l’Agence internationale de l’énergie en 2021 », déplore Heffa Schuecking, directrice d’Urgewald, citée dans un communiqué.

Ironiquement, 71 % du financement bancaire des projets d’expansion des combustibles fossiles en Afrique de 2019 à juillet 2022 provenaient de banques membres de l’« Alliance bancaire zéro net », souligne l’organisation.

« Il est temps que les institutions financières se retirent des entreprises qui font exploser le budget mondial du carbone et enferment l’Afrique dans les sources d’énergie polluantes du passé », affirme Omar Elmawi, directeur de l’organisation Musulmans pour les droits de la personne, également cité dans le communiqué.

Encore du charbon

Ennemi numéro un du climat, première énergie fossile dont les pays tentent de se sevrer, le charbon jouit lui aussi du financement international des énergies fossiles en Afrique, s’inquiète le rapport.

« Au total, 10 135 mégawatts (MW) de nouvelles capacités au charbon sont encore en préparation », indique le document, qui souligne que de nouvelles centrales électriques, des mines ou des infrastructures de transport sont prévues ou en cours de développement dans 11 pays africains.

Plus de la moitié de la nouvelle capacité de production électrique au charbon est prévue au Zimbabwe, mais elle y alimentera en grande partie des opérations minières et non pas la population, dont 47 % n’a toujours pas accès à l’électricité, indique le rapport.

En savoir plus
  • 49
    Nombre de projets de mine de charbon en cours ou en planification en Afrique du Sud, en tête du classement africain
    source : « Qui finance l’expansion des énergies fossiles en Afrique ? », Urgewald
    3256 millions
    Investissements prévus en dollars américains (4335 millions de dollars canadiens) pour l’exploration pétrolière et gazière pour la période 2020-2022 en Algérie, en tête du classement africain
    source : « Qui finance l’expansion des énergies fossiles en Afrique ? », Urgewald