Le Canada concrétisera d’ici le milieu de l’année 2023 son engagement à cesser de subventionner l’industrie des combustibles fossiles, lui qui la soutient encore à coups de milliards de dollars.

« Ça va se faire certainement dans la première moitié de l’année », a indiqué mercredi à La Presse le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, en marge de la 27e Conférence des Nations unies sur le climat (COP27), qui se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Le Canada deviendra ainsi le premier pays du Groupe des 20 principales économies de la planète (G20) à cesser de verser des fonds publics à l’industrie du pétrole, du gaz et du charbon, alors que le G20 a fixé l’échéance à 2025.

Cet engagement était une promesse électorale du Parti libéral du Canada et a été inclus dans l’entente « de soutien et de confiance » conclue avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour assurer la survie du gouvernement minoritaire de Justin Trudeau jusqu’en 2025.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique

« On est en train d’aligner toutes nos flûtes, mais ça avance vraiment bien », a indiqué le ministre Guilbeault.

La marche s’annonçait haute, puisque le Canada était encore en 2021 au 2e rang des pays du G20 qui subventionnent le plus ce secteur, à 8,5 milliards de dollars par année en moyenne, selon un rapport de l’organisation Oil Change International publié au début de novembre.

Non à la « non-prolifération »

Ottawa n’entend toutefois pas imposer de limite à la production d’énergies fossiles, comme l’ont réclamé les Tuvalu à la COP27.

Le petit État polynésien a appelé mardi la communauté internationale à conclure un « traité de non-prolifération des combustibles fossiles », qui interdirait toute nouvelle activité de production et d’exploration, et planifierait l’abandon progressif du pétrole, du gaz et du charbon, ainsi qu’une transition juste.

L’initiative est appuyée par le Vanuatu, un autre État insulaire de l’Océanie, et une dizaine de « gouvernements locaux », dont les villes canadiennes de Toronto et de Vancouver, de même que plus de 600 organisations et quelque 1300 scientifiques.

« Tout comme il y a 50 ans, lorsqu’un traité international a permis de désamorcer la menace des armes nucléaires, le monde a aujourd’hui besoin d’un Traité de non-prolifération des combustibles fossiles », indique le site internet de l’initiative.

Or, le Canada ne pourrait pas adhérer à un tel traité parce qu’il n’a pas les pouvoirs pour le mettre en œuvre, fait valoir Steven Guilbeault.

« D’un point de vue constitutionnel, le fédéral ne contrôle pas l’utilisation des ressources naturelles et ce que les provinces veulent en faire », dit-il.

Le gouvernement fédéral peut agir sur la pollution, explique le ministre, notamment en exigeant la réduction des émissions de méthane du secteur pétro-gazier ou en réduisant la teneur en carbone des carburants, mais il ne peut en limiter la production.

Tout ce qu’on fait ou presque en matière de lutte contre les changements climatiques est contesté devant les tribunaux par les provinces ou par les entreprises, ou des fois par les deux.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Pour pouvoir lutter efficacement contre les changements climatiques, les actions du gouvernement canadien doivent donc être « sans reproche d’un point de vue constitutionnel », dit le ministre Guilbeault.

« Si on commence à jouer clairement dans les plates-bandes des provinces, bien on risque de se faire taper sur les doigts par la Cour suprême, de faire annuler ces mesures-là et on ne sera pas plus avancés, anticipe-t-il. Ça n’aura pas aidé à lutter contre les changements climatiques. »

Travailler avec l’industrie

Le ministre Guilbeault défend par ailleurs la tenue vendredi d’un « panel » qui réunira les représentants de six entreprises pétrolières canadiennes au pavillon du Canada à la COP27.

L’évènement, rapporté par le quotidien Le Devoir mercredi, portera sur l’objectif de carboneutralité de l’industrie pétrolière canadienne, qui repose essentiellement sur les technologies de captage et de stockage de carbone, encore à un stade expérimental.

« L’engagement qu’on a pris dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, c’est de travailler avec toutes les régions du pays et avec tous les secteurs pour décarboner [notre économie] », a déclaré le ministre à La Presse.

Le gouvernement fédéral travaille aussi avec les secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre (GES) de l’aluminium et des cimenteries, présents au Québec, tout comme celui de l’automobile, fait valoir Steven Guilbeault.

« Si on commençait à discriminer sur la base des émissions [de GES], il n’y aurait personne, parce que tous les secteurs [en émettent] », s’est-il exclamé, reconnaissant que le secteur des énergies fossiles en émet « beaucoup ».

En savoir plus
  • 80 %
    Proportion des émissions de dioxyde de carbone (CO2) depuis le début de la révolution industrielle attribuable aux combustibles fossiles
    Source : initiative pour un TRAITÉ DE NON-PROLIFÉRATION DES COMBUSTIBLES FOSSILES