Des centaines d’eiders à duvet ont été trouvés morts dans les îles de la région de Rivière-du-Loup, depuis une semaine, apparemment victimes de l’épidémie de grippe aviaire, aussi appelée influenza aviaire, qui sévit dans de nombreuses régions du monde.

La Société Duvetnor, organisation à but non lucratif vouée à la protection de ce grand canard marin typique des milieux nordiques, répertorie cette année une mortalité fortement supérieure à la normale.

« Cette année, on est rendu à 840 carcasses d’eiders », contre une quinzaine habituellement, a expliqué à La Presse le biologiste Jean-François Giroux, professeur à la retraite de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et administrateur de Duvetnor.

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  • Carcasses d’eiders à duvet

    PHOTO FOURNIE PAR FRANCIS SAINT-PIERRE, UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

    Carcasses d’eiders à duvet

  • Carcasse d’eider à duvet

    PHOTO FOURNIE PAR FRANCIS SAINT-PIERRE, UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

    Carcasse d’eider à duvet

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« On a envoyé 10 carcasses pour analyse et les 10 ont [présenté un résultat] positif à l’influenza aviaire », a-t-il indiqué, ajoutant avoir envoyé d’autres carcasses pour analyse.

On soupçonne que c’est la cause dominante [de mortalité].

Jean-François Giroux, administrateur de Duvetnor

Le bilan pourrait s’alourdir, puisque Duvetnor n’a jusqu’à maintenant visité que les cinq principales colonies d’eiders à duvet de l’estuaire du Saint-Laurent, qui en compte 35, notamment celles de l’île Blanche et de l’île aux Pommes.

« Évidemment, on ne trouve pas toutes les carcasses [et] on ne sait pas si ça s’est poursuivi après notre passage », ajoute Jean-François Rioux, qui estime que la mortalité réelle pourrait être deux fois plus élevée.

Il évalue que 10 % des quelque 23 000 eiders à duvet qui nichent dans les îles appartenant à Duvetnor pourraient être décimés.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Eider à duvet de l’île aux Pommes

La situation de l’eider à duvet est « un peu plus inquiétante » que celle des fous de Bassan, dont de nombreuses carcasses ont été trouvées sur les plages des Îles-de-la-Madeleine récemment, indique François Fournier, gestionnaire à la section de l’évaluation de la faune et des habitats du Service canadien de la faune.

« L’eider se maintient à un plus bas niveau dans l’estuaire », donc la population de fous de Bassan est proportionnellement beaucoup moins touchée, explique-t-il.

Une première

C’est la première fois que les colonies d’eiders à duvet de l’estuaire du Saint-Laurent sont frappées par une épidémie d’influenza aviaire, affirme Jean-François Giroux.

En revanche, trois épidémies de choléra aviaire ont durement frappé l’espèce dans les 60 dernières années, la plus récente ayant eu lieu en 2002, indique-t-il.

Si l’eider à duvet est particulièrement sensible aux épidémies, c’est parce qu’il niche en colonie, contrairement aux autres espèces de canards, et se retrouve ainsi en grande concentration sur un petit nombre d’îles, explique le biologiste.

C’est peut-être par les goélands, qui cohabitent avec les eiders, mais qui se déplacent davantage qu’eux, que l’influenza aviaire a gagné les colonies de l’estuaire, suppose Jean-François Giroux, reconnaissant que cette « hypothèse » sera difficile à démontrer.

Car en plus des carcasses d’eiders, Duvetnor a répertorié quelques 260 carcasses de goélands dans ses îles, la semaine dernière.

Récolte de duvet

La mortalité qui touche les colonies d’eiders à duvet de l’estuaire du Saint-Laurent pourrait avoir un certain impact sur la récolte de duvet.

Car Duvetnor finance en partie ses activités de protection de l’espèce par la vente de ce matériau naturel prisé par les fabricants d’édredons (ou couettes) et de vêtements de plein air.

Chaque printemps, pendant deux semaines, l’organisme récolte une partie du duvet que les femelles eiders arrachent de leur poitrine pour garnir leur nid afin de protéger leurs œufs – ce duvet est ensuite nettoyé et stérilisé, si bien que le virus ne représente pas un problème sur ce plan.

La quantité de duvet récoltée va probablement diminuer, mais ça ne va pas mettre les activités en péril.

Jean-François Giroux, administrateur de Duvetnor

C’est le volet touristique qui génère la plus grande partie des revenus de Duvetnor, qui offre des activités d’interprétation et des services d’hébergement dans certaines de ses îles.

Puisque la saison touristique doit commencer la semaine prochaine, la présence d’un grand nombre de carcasses potentiellement infectées par l’influenza aviaire soulève certaines craintes relatives à la biosécurité et à la santé publique, même si le risque de contamination pour les humains est très faible, indique Jean-François Giroux.

La souche d’influenza aviaire qui sévit actuellement dans le monde est « hautement pathogène », souligne la biologiste Ariane Massé, de la division de la biosécurité et de la santé des animaux sauvages au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec.

Les autorités suivent avec une attention accrue les effets sur les oiseaux sauvages, qui sont « des sentinelles » pour mesurer l’évolution du virus et ses impacts, explique-t-elle.

En savoir plus
  • 11 500
    Nombre de nids d’eiders à duvet dans les îles de Duvetnor
    Source : Duvetnor
    16 800
    Nombre total de nids d’eiders à duvet dans l’estuaire du Saint-Laurent
    Source : Service canadien de la faune