Le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, n’exclut pas de sanctionner le Canadien National (CN), qui a remblayé sans autorisation des milieux humides à Longueuil abritant l’un des derniers habitats de la rainette faux-grillon, une espèce menacée. De son côté, Environnement Canada rétorque qu’il n’avait aucune autorisation à donner à l’entreprise ferroviaire.

« On envisage potentiellement des sanctions en bonne et due forme [contre le CN] », a réagi le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, au cours d’une mêlée de presse, mercredi matin.

La Presse a révélé mercredi que le CN avait remblayé sans autorisation un milieu humide1 en août 2021 pour y entreposer des matériaux. Or, on y retrouvait également l’un des derniers habitats de la rainette faux-grillon, qui a le statut d’espèce menacée au Canada et d’espèce vulnérable au Québec.

Le CN affirme qu’il « n’était pas au fait que ce milieu humide pourrait être désigné comme habitat d’espèce vulnérable ». Or, le marais Darveau à Longueuil est identifié au programme fédéral de rétablissement de l’espèce depuis 2015. Et depuis 2003, des bénévoles s’y rendent chaque année pour les inventaires printaniers de la rainette faux-grillon, petite grenouille mesurant moins de 3 cm.

Réponse « déplorable »

Le ministre Charette a qualifié la réponse du CN de « déplorable ». « Ce n’est pas une excuse en soi. C’est un site d’intérêt qui est connu depuis plusieurs années. Ils n’avaient pas l’autorisation de faire ce qu’ils ont fait. Ils auront à assumer les conséquences de leurs gestes. »

En fin de soirée, le cabinet du ministre Charette a signalé à La Presse qu’il comptait « sur l’entreprise pour réhabiliter le terrain rapidement ». Le Ministère a aussi demandé au CN de lui soumettre « un plan de mesures correctrices ».

Le cabinet du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’est contenté d’un bref commentaire. « Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) a tout récemment été mis au fait de la situation. Le secteur visé par l’activité [du CN] n’est ni une terre fédérale ni couvert par un décret de protection pris en vertu de la Loi sur les espèces en péril. ECCC n’avait donc aucune autorisation à émettre. »

« Rendus à un point critique »

« C’est très décevant, a déclaré Tommy Montpetit, directeur de la conservation à l’organisme Ciel et Terre. Si on ne fait rien rapidement, cette espèce-là va s’éteindre. »

« On est rendus à un point critique pour la survie de cette espèce, ajoute celui qui milite pour la protection de la rainette faux-grillon depuis plus de 25 ans. Si un braconnier tue des orignaux sans permis, on va s’empresser de le mettre à l’amende. Mais pour une espèce en péril, nos deux ministères de l’Environnement se renvoient la balle et, pendant ce temps, il ne se passe rien. »

Selon Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs au Québec, « cette énième destruction d’un habitat de la rainette faux-grillon en Montérégie illustre les lacunes actuelles dans la protection de nos espèces en péril. Pour protéger rapidement tous les habitats nécessaires à la survie et au rétablissement de l’espèce, il faudra une bonne dose de volonté politique et un effort concerté des municipalités et des gouvernements provincial et fédéral », conclut-il.

Avec Tommy Chouinard, La Presse

1. Lisez « Des milieux humides détruits par le CN »