Matière mal-aimée des centres de tri, le polystyrène est peu récupéré au Québec. Il est pourtant facilement recyclable. À Rivière-Rouge, dans les Hautes-Laurentides, une collecte spéciale permet de le récupérer et d’éviter qu’il fasse déborder, littéralement, le lieu d’enfouissement.

(Rivière-Rouge) André Séguin lance les gros sacs remplis de morceaux de « styromousse » dans la grande remorque fermée attelée à sa camionnette.

Chaque mercredi, il récupère le polystyrène auprès d’une dizaine d’institutions, commerces et industries (ICI) de Rivière-Rouge, Nominingue et La Macaza, ainsi que dans quatre dépôts volontaires ouverts aux citoyens.

Comme dans bien des municipalités du Québec, le polystyrène n’est pas accepté dans la collecte sélective dans la région, mais la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge (RIDR) a mis sur pied une collecte distincte pour cette matière facilement recyclable.

Ici, derrière le centre de rénovation Rona de Rivière-Rouge, ce sont principalement des emballages d’appareils électroménagers qui s’accumulent dans un hangar entre chaque collecte.

« C’est déballé chez le client, mais on le rapporte ici, ça génère beaucoup de déchets », explique le président et propriétaire du commerce, Éric Deslongchamps.

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Éric Deslongchamps, président et propriétaire du centre de rénovation Rona de Rivière-Rouge

La collecte du polystyrène, combinée à la récupération de carton et de matériaux de construction, a fait baisser le coût de disposition des déchets de son commerce de 30 000 $ par année à moins de 10 000 $ aujourd’hui, explique-t-il.

Éviter l’enfouissement

C’est aussi pour éviter le débordement de son lieu d’enfouissement que la RIDR a mis sur pied cette collecte hebdomadaire de polystyrène, ainsi que de pellicules plastiques, dans le cadre d’un projet-pilote, en 2021.

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Marc Forget, directeur général de la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge

« Ce n’est pas juste pour la conscience environnementale, c’est qu’il y a une limite à ce qu’on peut enfouir », explique son directeur général, Marc Forget.

Le lieu d’enfouissement technique de la RIDR, ouvert en 2006, atteint presque 50 % de sa capacité – il est divisé en huit cellules : quatre sont déjà complètes, la cinquième est actuellement utilisée et la sixième est prête, tandis que les deux dernières coûteront 1 million chacune à aménager.

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Le lieu d’enfouissement technique de la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge, à Rivière-Rouge

Mais la RIDR préférerait ne pas avoir à les utiliser et multiplie les projets de récupération et de valorisation des matières résiduelles dans les 25 municipalités qu’elle dessert.

À commencer par le polystyrène, tellement léger qu’une seule tonne de cette matière équivaut au volume de 34 tonnes de déchets, explique Patrice Lanctôt, superviseur à la RIDR.

Transformé en isolant

Très léger, générant de l’électricité statique, nécessitant un tri soigné, le polystyrène est exclu de la plupart des bacs de récupération, au Québec.

Seulement 18 % des municipalités l’acceptent dans leur programme de collecte sélective, et une centaine d’écocentres de la province le récupèrent, d’après les données de la Société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec).

Une collecte consacrée à ce produit était donc la solution, pour la RIDR.

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Patrice Lanctôt, superviseur à la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge

Il n’y a aucune raison que ça ne se fasse pas ailleurs.

Patrice Lanctôt, de la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge

Le polystyrène récupéré par la RIDR est expédié chez un conditionneur de Saint-Jérôme, qui le transforme notamment pour Inject-Styrène Technologie, une entreprise spécialisée dans l’injection d’isolant de polystyrène expansé.

Selon qu’il s’agisse d’emballages d’électroménagers, de barquettes alimentaires ou d’autres types de polystyrène, il peut aussi entrer dans la fabrication de mobilier urbain, pour en alléger les composants.

« Il faut que ce soit bien supervisé, pour éviter la contamination », explique Patrice Lanctôt. Mais le principal défi demeure le transport, dont le coût peut parfois être « plus élevé que le coût de traitement ».

Une approche rentable

Malgré tous les défis, la RIDR estime qu’il lui en coûte 72 $ la tonne pour récupérer le polystyrène, bien en deçà des 100 $ la tonne que lui coûte l’enfouissement des matières résiduelles.

Tout ce qui peut réduire la quantité de matières envoyées à l’enfouissement est étudié avec intérêt par l’organisme, qui mise notamment sur la tarification incitative.

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Rose-Marie Schneeberger, conseillère au développement à la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge

« Notre devise, c’est : “rendons plus cher et plus compliqué tout ce qui concerne les déchets et faisons le contraire pour tout le reste” », illustre sa conseillère au développement, Rose-Marie Schneeberger.

Ainsi, les institutions, commerces et industries (ICI) sont desservis par les services municipaux de collecte et paient une somme significative pour leurs bacs à déchets. Les bacs de récupération des matières recyclables et organiques, en revanche, sont gratuits.

Les citoyens ne sont pas en reste : 3 des 25 municipalités desservies par la RIDR sont passées à la collecte mensuelle des déchets auprès des ménages.

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Les citoyens peuvent rapporter leur polystyrène dans les centres de dépôt volontaires, comme celui-ci, dans un des écocentres de Rivière-Rouge.

« Ça, ça aide à convaincre les citoyens de participer à la récupération », dit Rose-Marie Schneeberger, qui souligne que les trois municipalités en question sont d’ailleurs celles qui ont affiché la plus forte réduction de déchets.

« Il ne faut jamais perdre de vue que ce qu’on met dans le bac noir, ce ne sont pas des déchets, lance Patrice Lanctôt. Ce sont des matières premières qu’on ne gère pas. »

10 000 matelas par année

Les matelas sont un autre fléau pour la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge (RIDR), qui en récupère quelque 10 000 par année. « Les gens de Montréal apportent leur vieux matelas à leur chalet [dans les Hautes-Laurentides], quand ils en achètent un nouveau. Et quand le vieux matelas est trop vieux, c’est ici qu’ils le jettent », explique la conseillère au développement de la RIDR, Rose-Marie Schneeberger. Or, 1 tonne de matelas occupe le volume de 14 tonnes de déchets, explique-t-elle. La RIDR a donc mis sur pied un programme de récupération des vieux matelas, qui lui coûte 42 $ la tonne, bien moins que les 100 $ la tonne que coûte l’enfouissement. Les matelas sont expédiés à une entreprise de Montréal, qui dit recycler 88 % de leur contenu.

Chiffre

25 000 m⁠3 : quantité de déchets enfouis annuellement au lieu d’enfouissement technique de Rivière-Rouge

Source : Régie intermunicipale des déchets de la Rouge

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