Le combat pro-climat de jeunes Québécois contre Ottawa est désormais entre les mains de la Cour d’appel : elle a pris mardi en délibéré leur demande pour être autorisés à intenter une action collective.

Ces jeunes se plaignent de l’inaction du gouvernement canadien dans la lutte contre les changements climatiques.

Au départ, les objectifs du gouvernement sont « déficients » – notamment ceux des Accords de Kyoto et de Paris – et ensuite, il n’y a pas suffisamment de mesures en place au pays pour les atteindre, ont-ils plaidé mardi devant un banc de trois juges. Selon eux, le gouvernement fédéral viole les Chartes canadienne et québécoise qui garantissent le droit à la vie, à la sécurité ainsi que celui de vivre dans un environnement sain.

Pour forcer Ottawa à agir, ces jeunes Québécois veulent intenter une action collective. Comme il s’agit d’une procédure spéciale, il leur faut l’autorisation au préalable d’un magistrat. Cette permission leur ayant été refusée en 2019 par le juge de la Cour supérieure qui a entendu leur cause, les jeunes l’ont demandée à nouveau mardi matin à la Cour d’appel.

Cette cause sort de l’ordinaire notamment parce qu’elle vise toute une tranche d’âge de la population québécoise : les jeunes de 35 ans et moins.

Mais il s’agit là d’un aspect qui semble avoir tracassé les juges de la Cour d’appel.

Pourquoi avoir limité vos demandes en faveur des 35 ans et moins, alors que dans votre argumentaire, vous dites que les changements climatiques affectent toute la population, leur a demandé la juge Geneviève Cotnam.

Parce qu’ils subiront plus intensément que leurs aînés les effets néfastes de la pollution et du réchauffement de la planète, et ce, pendant plus longtemps, a répliqué Me Bruce Johnston, qui représente bénévolement l’organisme Environnement Jeunesse (EnJeu), qui porte cette action à bout de bras.

« Le risque est porté de façon disproportionnée par les plus jeunes de notre société. »

La protection de l’environnement, c’est un enjeu important et tout le monde doit faire sa part, a déclaré d’entrée de jeu Me Marjolaine Breton, avocate pour le Procureur général du Canada. Mais les actions collectives sont réservées à certains types de causes et celle-ci ne remplit pas les critères, a-t-elle plaidé.

Et ici, la tranche d’âge des moins de 35 ans est totalement « artificielle ». Si on inclut tout le monde dans le groupe pour lequel l’action collective est intentée, il n’y a plus de « groupe », a-t-elle illustré.

Selon sa collègue Ginette Gobeil, qui a aussi plaidé au nom du Procureur général, les tribunaux ne peuvent ordonner au gouvernement de poser certains gestes pour l’environnement. C’est la prérogative des élus, a-t-elle fait valoir. Bref, ce serait une ingérence dans la politique du gouvernement.

Mais à ce sujet, Me Johnston avait justement dénoncé la « myopie » des gouvernements, associée aux échéances électorales. Les changements de gouvernement à chaque scrutin font en sorte qu’il est très difficile de planifier à long terme, notamment en ce qui concerne des combats de longue durée comme celui contre les changements climatiques.

L’organisme Amnistie internationale a pris part au débat judiciaire.

« Nous intervenons dans cet appel pour soutenir une approche fondée sur les droits de la personne en matière de litige climatique et pour faire en sorte que le gouvernement du Canada cesse de violer les droits fondamentaux des enfants et des jeunes canadiens, en omettant de mettre en place les mesures nécessaires pour limiter la crise climatique », a souligné par communiqué Fiona Koza.

EnJeu a calculé que les dommages punitifs réclamés au gouvernement – 100 $ par Québécois de moins de 35 ans – constitueraient une cagnotte de 340 millions.

Mais parce qu’il serait onéreux et complexe de remettre un chèque à chaque citoyen, si l’action est couronnée de succès, il serait alors demandé que l’argent obtenu serve à mettre en place une mesure réparatrice pour tenter de freiner le réchauffement climatique.

La Cour d’appel n’a pas dit quand elle comptait rendre son jugement.