La Presse a appris que le gouvernement fédéral s’apprêtait à proposer un arrêté ministériel afin de protéger l’habitat essentiel du chevalier cuivré, une espèce menacée unique au monde, qu’on ne retrouve qu’au Québec. Une nouvelle qui risque d’avoir un impact majeur sur les projets d’agrandissement du Port de Montréal à Contrecœur estimés à 750 millions de dollars.

Le projet d’arrêté ministériel sera publié samedi dans la Gazette officielle du Canada.

Dans un courriel transmis mercredi via une liste d’envoi aux parties intéressées par la Loi sur les espèces en péril, Ottawa a annoncé « que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne et le ministre d’Environnement et Changement climatique Canada proposent de prendre un arrêté visant la protection de l’habitat essentiel en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) afin de protéger l’habitat essentiel du chevalier cuivré ».

Ceux-ci auront d’ailleurs 30 jours pour participer à la consultation prévue avant l’approbation définitive de l’arrêté ministériel.

Rappelons que l’habitat essentiel de cette espèce a été désigné dans un programme de rétablissement publié dans le Registre public des espèces en péril le 20 juin 2012.

Selon les plans actuels, le projet de terminal portuaire à Contrecœur serait construit en plein dans l’habitat essentiel du chevalier cuivré.

Par courriel, l’Administration portuaire de Montréal (APM) a indiqué qu’elle « réitère sa volonté de respecter l’ensemble de la réglementation applicable et de déployer les meilleures mesures de compensation pour gérer les impacts de façon responsable, des mesures qui ont été développées et continuent d’être améliorées en concertation avec les autorités et experts concernés ».

En janvier dernier, deux organisations écologistes avaient déposé une requête en Cour fédérale afin de forcer Ottawa à protéger sa propre Loi sur les espèces en péril. Selon le Centre québécois pour le droit de l’environnement (CQDE) et la Société pour la nature et les parcs (SNAP), le gouvernement fédéral aurait dû prendre un arrêté ministériel il y a huit ans pour protéger l’habitat de cette espèce menacée.

La loi prévoit en effet qu’un arrêté ministériel doit être pris pour protéger l’habitat essentiel au plus tard 180 jours après que cet habitat a été désigné. Dans le cas du chevalier cuivré, l’arrêté aurait dû être publié le 17 décembre 2012.

Les deux organisations ont indiqué vouloir « prendre connaissance du contenu de l’arrêté avant de déterminer les suites à donner à notre recours juridique. Il faudra notamment s’assurer que la portée de l’arrêté couvre parfaitement l’ensemble de l’habitat essentiel désigné dans le programme de rétablissement ».

Selon Alain Branchaud, directeur de la SNAP, la décision d’Ottawa de protéger l’habitat essentiel du chevalier cuivré forcera l’Agence d’évaluation d’impact du Canada à revoir complètement le dossier du projet d’expansion du port de Montréal à Contrecœur.

Il estime que cette nouvelle constitue également un autre camouflet du fédéral à l’endroit du gouvernement du Québec. « La protection des habitats des espèces en péril au Québec souffre d’un déficit d’attention. Québec doit impérativement et rapidement moderniser ses lois et règlements s’il souhaite vraiment protéger notre grand chevalier cuivré, notre petite rainette faux-grillon et nos majestueux caribous. »

Dans ce dossier, le gouvernement fédéral a déjà promis 300 millions de dollars au projet, avant que l’évaluation environnementale ne soit complétée.