Les coûts d’entretien de la végétation bordant les routes sous la responsabilité de Transports Québec ont explosé, l’an dernier, a appris La Presse.

D’une moyenne de 5,3 millions de dollars de 2010 à 2018, la facture a atteint 8,3 millions en 2020, révèle un document du ministère des Transports du Québec (MTQ), dévoilé en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Les coûts avaient commencé à augmenter en 2019, atteignant cette année-là 6,6 millions à l’échelle de la province.

La hausse la plus élevée, l’an dernier, s’est observée sur le « réseau métropolitain » de la grande région de Montréal, essentiellement autoroutier ; les coûts y sont passés de 1,5 million en 2019 à 2,4 millions en 2020.

Mais d’autres régions, où les coûts sont moins élevés, ont aussi enregistré des hausses substantielles, toutes proportions gardées.

Dans le Centre-du-Québec, les coûts ont atteint 760 000 $ en 2020, alors qu’ils ne dépassaient pas 280 000 $ annuellement jusqu’en 2017.

Dans Chaudière-Appalaches, la facture s’est élevée à 484 000 $ en 2020, alors qu’elle n’a jamais dépassé 199 000 $ de 2010 à 2019.

L’Estrie et la Montérégie ont aussi connu des hausses importantes.

Inversement, les coûts d’entretien ont été anormalement faibles sur la Côte-Nord, en 2020, à 10 400 $, alors que la moyenne des 10 années précédentes est de 60 000 $.

Gestion écologique négligée

Cette hausse des coûts témoigne de l’abandon progressif du programme de gestion écologique de la végétation développé par le ministère des Transports à la fin des années 1990, estime celui qui l’avait mis sur pied et supervisé jusqu’à sa retraite, en 2015, le biologiste Yves Bédard. « C’est très négligé », déplore-t-il.

Le biologiste se désole notamment de voir le retour du débroussaillage des arbres et des arbustes le long des clôtures qui délimitent le terrain appartenant au MTQ de part et d’autre des autoroutes.

« Il n’y a pas de raison de faire ça », dit-il, expliquant que cela contribue à la propagation d’une variété exotique envahissante du roseau commun, aussi appelé phragmite.

« À l’ombre, il n’y a rien qui pousse dans les fossés, ces plantes ont besoin de soleil », poursuit-il, ajoutant qu’une approche écologique permet des économies.

« Ça coûte cher, ces opérations, ce sont de grosses machines qui ne vont pas vite. »

Recommandations non appliquées

La gestion de la végétation par le MTQ « choque » le professeur Claude Lavoie, directeur de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval, qui a contribué à des études sur le sujet commandées par le Ministère depuis le début des années 2000.

Tout ce qu’on a dit [au Ministère] de faire, eh bien, [il] ne le [fait] pas.

Claude Lavoie, directeur de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval

Il s’étonne lui aussi du débroussaillage des fossés bordant les routes et les autoroutes, expliquant que les arbustes ne nuisent pas à leur drainage. « En enlevant les arbustes dans les fossés, qui est-ce qui s’installe ? Le roseau ! »

Autre recommandation non appliquée par le MTQ, selon Claude Lavoie : celle de ne pas laisser les sols à nu, après des travaux, pour limiter la propagation des espèces nuisibles.

« Qu’est-ce qu’ils font ? Ils creusent des fossés de drainage et laissent le sol à nu », lance-t-il.

Pression des municipalités

L’entretien des routes et de la végétation qui les entoure relève des directions régionales de Transports Québec, qui doivent cependant appliquer des normes provinciales, explique Yves Bédard.

« Ce sont comme de petits royaumes, il n’y a pas un gros leadership central pour faire respecter [ces normes] », regrette-t-il.

Certaines directions régionales auraient du mal à résister aux pressions de municipalités, qui exigent des routes et des autoroutes « propres » et qui accusent le Ministère de négliger l’entretien des espaces verts, poursuit le biologiste.

« Mais ce n’est pas ça, la raison, sauf que les gens [du Ministère] ne sont pas capables de l’expliquer », dit-il, soulignant l’absurdité du débroussaillage à l’ère du dérèglement climatique.

On plante des arbres d’un bord, et de l’autre bord, on en coupe “pour mettre ça propre” !

Yves Bédard, biologiste retraité du ministère des Transports du Québec

Claude Lavoie constate lui aussi que « dans certaines directions territoriales, la gestion écologique de la végétation, ce n’est pas leur fort », et que le fauchage tous azimuts est encore « très populaire ».

Il ignore cependant si cela explique l’explosion des coûts d’entretien.

Transports Québec n’avait pas répondu aux questions de La Presse au moment d’écrire ces lignes.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

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Coût d’entretien de la végétation sur le réseau routier relevant de Transports Québec de 2010 à 2020

Source : Transports Québec