Une nouvelle étude tisse un lien entre le cuir utilisé par de grands noms de la mode et la déforestation

De grands acteurs de l’industrie de la mode qui commercialisent des marques populaires de sacs, de vêtements, de chaussures ou de bottes en cuir risquent d’encourager la déforestation de l’Amazonie s’ils n’assurent pas un contrôle plus rigoureux de leurs sources d’approvisionnement, prévient une nouvelle étude.

Les recherchistes de l’organisation Stand. earth ont analysé des données commerciales obtenues de sources variées pour reconstituer le chemin parcouru par le cuir exporté du Brésil et ont mis au jour, ce faisant, des liens potentiellement problématiques avec des fournisseurs locaux dont les pratiques environnementales ont été critiquées par le passé.

« On savait qu’on trouverait quelques cas dans l’industrie de la mode en faisant cet exercice, mais on n’avait pas entrevu qu’autant de marques seraient concernées », note en entrevue Greg Higgs, l’un des responsables de l’étude.

L’industrie bovine est le principal moteur de la déforestation dans le monde et est directement responsable de 36 % de la perte de superficie boisée liée à l’agriculture qui a été observée globalement de 2001 à 2015, selon le World Resources Institute.

Les émissions annuelles de gaz à effet de serre résultant du phénomène sont aussi importantes que celles du secteur aérien, relève M. Higgs.

Au Brésil, la déforestation survient principalement en Amazonie, où des éleveurs y ont recours en vue de pouvoir faire paître leur bétail.

Les animaux sont ensuite pris en charge par des abattoirs et transformés en viande et en cuir, avec l’aide de tanneries, pour être vendus sur les marchés locaux ou exportés.

L’un des principaux producteurs brésiliens dans ce domaine, JBS, a été accusé à plusieurs reprises d’accepter des animaux élevés dans des zones touchées par la déforestation, relève M. Higgs.

La firme a annoncé l’été dernier qu’elle entendait améliorer son système de traçage pour garantir qu’aucun animal se retrouvant dans sa chaîne d’approvisionnement ne puisse provenir de telles zones, mais ne prévoit pas pouvoir le garantir avant 2035.

Stand. earth note que plus de 70 entreprises, y compris des sociétés de renom comme Zara, Prada ou Adidas, ont des liens avec JBS dans leur chaîne d’approvisionnement et courent du même coup le risque d’encourager la destruction de la forêt amazonienne.

L’organisation a rendu disponible en même temps que son rapport un moteur de recherche permettant d’explorer les chaînes d’approvisionnement existantes pour 130 marques de produits contenant du cuir, dont 103 pour lesquels des liens avec JBS existent.

« La liste continue de s’allonger », note M. Higgs, qui s’étonne du fait que plusieurs des entreprises identifiées aient des politiques visant officiellement à éliminer tout fournisseur susceptible de contribuer à la déforestation de l’Amazonie.

« Cartographier »

Un organisme de certification regroupant de grands acteurs du secteur du cuir, le Leather Working Group, qui vise à accroître la transparence des chaînes d’approvisionnement, a annoncé la semaine dernière son intention de « cartographier » en détail les ramifications de l’industrie pour écarter, à terme, tout risque de déforestation.

L’exercice sera mené de concert avec des universitaires et des organisations écologiques, dont le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui décrit l’initiative comme un « pas en avant » important pour venir à bout du problème.

Les dirigeants de plus d’une centaine de pays ont convenu, début novembre à Glasgow, à l’occasion de la conférence sur les changements climatiques, de multiplier leurs efforts pour faire cesser la déforestation d’ici 2030.

Le plan a été critiqué par des organisations écologistes comme Greenpeace, qui insistent sur la nécessité d’agir plus rapidement, en particulier en Amazonie, où la situation prend des proportions alarmantes.

Loin de reculer, la déforestation s’intensifie dans la partie de la forêt se trouvant au Brésil. Selon de récentes données de l’institut de recherche Imazon citées par le Guardian, près de 10 500 kilomètres carrés ont été perdus entre août 2020 et juillet 2021. Il s’agissait d’une hausse de 57 % par rapport à l’année précédente.