(Calgary) Alors que les dirigeants internationaux se rendent à Glasgow cette semaine pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, l’Alberta, qui est peut-être la juridiction canadienne avec le plus à y perdre, retiendra son souffle.

La COP26, comme on l’appelle, sera le plus important sommet mondial sur le changement climatique depuis celui de Paris, en 2015.

À cette époque, le Canada s’était engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005, et ce d’ici 2030, dans le but de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius.

Cet objectif a mené à un certain nombre de mesures prises par le gouvernement de Justin Trudeau, notamment l’introduction d’une taxe fédérale sur le carbone et une future norme sur les carburants verts.

Le gouvernement fédéral a depuis relevé la barre de ses propres ambitions, affirmant qu’il vise désormais une réduction de 40 à 45 % d’ici 2035. Pour ce faire, le gouvernement a annoncé des objectifs de réduction des émissions sur cinq ans pour les industries du pétrole et du gaz, ainsi que des réglementations concernant le méthane.

Des politiques comme celles-ci sont la raison pour laquelle de nombreux habitants de l’Alberta – le cœur de l’industrie pétrolière et gazière du Canada – surveilleront de près ce qui arrivera au sommet de Glasgow.

« C’est important. Cela a une influence sur les politiques et le développement des ressources », a affirmé Tristan Goodman, le président de l’Association des explorateurs et producteurs du Canada, un groupe de pression qui représente les sociétés pétrolières et gazières.

M. Goodman a déclaré que si, dans le passé, l’industrie pétrolière et gazière avait peut-être envisagé les sommets de l’ONU sur le climat avec un sentiment d’appréhension, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis Paris, a-t-il soutenu, l’industrie a connu un changement radical dans sa compréhension de l’enjeu des changements climatiques, de nombreuses entreprises prenant d’elles-mêmes des engagements pour atteindre la carboneutralité et investissant dans des initiatives vertes comme l’hydrogène, la capture et le stockage de gaz à effet de serre ou l’énergie éolienne.

« La plupart des sociétés énergétiques au Canada savent qu’elles traversent une transition énergétique. Elles l’ont accepté et examinent maintenant leurs opportunités. »

L’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) enverra sa propre délégation au sommet de Glasgow, dont fera partie son président, Tim McMillan.

Cependant, ni le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, ni même un seul de ses ministres n’assisteront au sommet sur le climat. Dans un courriel, le ministre albertain de l’Environnement, Jason Nixon, a déclaré que son gouvernement évitait pour le moment les voyages non essentiels, ajoutant qu’« un politicien de plus s’envolant pour Glasgow ne fera aucune différence significative ».

Le ministre Nixon a ajouté que l’Alberta prend les changements climatiques au sérieux, soulignant les objectifs de réduction du méthane de la province, ainsi que l’avance prise sur son échéancier de sortie de sa dépendance au charbon.

Il a cependant ajouté que l’Alberta et l’industrie énergétique de la province sont frustrées par les « objectifs d’émissions en constante évolution » du Canada et ont besoin de clarté et de prévisibilité en ce qui concerne la politique climatique.

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Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, ni même un seul de ses ministres n’assisteront au sommet sur le climat.

Le président du groupe de réflexion non partisan The Canadian West Foundation, Gary Mar, a expliqué que de nombreux Albertains craignent que la COP26 résulte en des pressions accrues pour l’élimination complète des combustibles fossiles. Il a plaidé que l’industrie de l’énergie fait de réels progrès en matière de réduction des émissions, mais qu’il est insensé de suggérer qu’elle peut se renouveler ou être remplacée par des énergies renouvelables du jour au lendemain : « Vous ne pouvez pas réellement faire une transition simplement en enlevant des choses. Vous devez savoir par quoi ces choses vont être remplacées ».

Plusieurs critiques allèguent cependant que l’Alberta ne fait pas tout ce qu’elle peut sur le front climatique. La province n’a même pas d’objectif global de réduction d’émissions en place, a fait remarquer Simon Dyer, le directeur exécutif adjoint du Pembina Institute, un groupe de réflexion sur l’énergie propre.

« L’Alberta est responsable de la plus grande proportion des émissions totales du Canada. Le secteur pétrolier et gazier est le sous-secteur économique le plus important au pays, de sorte que le Canada ne peut pas atteindre les réductions d’émissions dont il a besoin sans la collaboration de la juridiction responsable de la plus grande partie de ces émissions », a-t-il dit.

Le directeur général de la société d’énergie renouvelable albertaine Greengate Power, Dan Balaban, a plaidé que le Canada devrait utiliser le sommet de Glasgow comme une incitation à aller plus loin que les paroles et réaliser des actions concrètes. Il a dit qu’il est important d’obtenir des fonds publics pour le secteur des énergies renouvelables, même si cela peut impliquer des choix difficiles.

« Il y a toutes sortes d’industries qui se disputent le soutien financier du gouvernement, dont l’industrie des combustibles fossiles et l’industrie des énergies renouvelables, a-t-il affirmé. Si nous voulons atteindre nos objectifs de carboneutralité, nous devons prendre une position très claire concernant ceux que nous avons l’intention de soutenir dorénavant. »