Le premier ministre François Legault a préparé son passage à la conférence des Nations unies sur le climat (COP26) sans consulter les groupes écologistes, qui déplorent cette absence de dialogue.

« Le premier ministre n’irait pas à Davos [au Forum économique mondial] sans parler au milieu économique », lance Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre.

« Ce n’est pas normal qu’il se rende au plus grand forum environnemental international et qu’il ne prenne pas la peine de parler aux organisations de la société civile qui font ce travail-là au quotidien », s’insurge-t-il.

L’expertise des groupes spécialisés en environnement peut s’avérer une aide « très concrète » pour le gouvernement dans une rencontre de haut niveau comme la COP26, souligne Geneviève Paul, directrice générale du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

« Ça fait des années que le mouvement environnemental au Québec est activement impliqué dans les négociations, dans les enjeux reliés à la COP, ça me paraît donc incontournable de l’impliquer dans les discussions », dit-elle, regrettant elle aussi de ne pas avoir reçu d’appel du bureau du premier ministre.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada

Les organisations de la société civile « connaissent la dynamique des négociations internationales et le rôle clé que peut jouer un État infranational comme le Québec lors de ces conférences-là », ajoute Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, dont le téléphone n’a pas sonné non plus.

L’approche du premier ministre Legault détonne avec celle de ses prédécesseurs, soulignent les groupes écologistes consultés par La Presse.

« Il y avait par le passé des relations plus directes entre le mouvement environnemental et le cabinet du premier ministre », souligne Marc-André Viau, d’Équiterre.

Le cabinet de Legault se défend

Le cabinet de François Legault défend sa décision de ne pas avoir contacté les groupes environnementaux, disant s’en remettre au Comité consultatif sur les changements climatiques qu’il a mis sur pied.

« Le comité lui-même consulte des groupes et des experts de la société civile, les recommandations du comité prennent en compte les positions des groupes environnementaux », a déclaré Ewan Sauves, l’attaché de presse du premier ministre. « On sait très bien où ils logent et ils savent où on loge », a-t-il dit.

Il ajoute que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, mène également ses propres consultations et que le premier ministre rencontrera les représentants de la société civile québécoise présents à Glasgow.

Le cabinet de François Legault aurait toutefois eu intérêt à consulter directement les groupes spécialisés en environnement en amont de la COP26, croit Annie Chaloux, professeure de politiques environnementales à l’Université de Sherbrooke. « Les rencontrer sur place, c’est bien, mais il sera trop tard pour faire des annonces », dit-elle.

Il aurait ainsi pu mettre la stratégie du Québec à l’épreuve.

« Le premier ministre a clairement mentionné qu’il n’avait pas l’intention de rehausser le niveau d’ambition du Québec [en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre], alors que c’est une COP qui traitera de ça », rappelle-t-elle.

Le milieu écologiste veut se faire entendre

Le milieu écologiste voit dans cette absence de consultation une indication de la façon de travailler du premier ministre et de sa vision « très économique » de l’environnement.

On réduit beaucoup l’environnement à la commercialisation de l’hydroélectricité parce que c’est de l’énergie propre, mais l’environnement, c’est plus que des occasions d’affaires.

Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

« Ce n’est pas juste la COP, c’est un premier ministre qui interagit moins avec le milieu environnemental », dit Caroline Brouillette, responsable des politiques publiques au Réseau Action Climat Canada.

« Legault n’a rencontré à ma connaissance aucun groupe environnemental depuis trois ans, à part Dominique Champagne [l’initiateur du Pacte pour la transition], mais il a pris le temps de rencontrer GNL Québec », qui souhaite construire une usine de liquéfaction de gaz naturel au Saguenay, s’indigne Patrick Bonin.

« Quand on fait face au plus grand défi de l’humanité avec un gouvernement qui était un néophyte en environnement quand il est arrivé au pouvoir il y a trois ans, je vois difficilement comment justifier de ne pas intégrer davantage toute la mouvance environnementale québécoise, qui est reconnue mondialement comme [l’une des plus dynamiques et des plus mobilisées] de la planète », poursuit-il.

Le milieu écologiste a pourtant des idées qui devraient plaire au premier ministre, estime Marc-André Viau, qui rappelle qu’un rapport du Centre québécois du droit de l’environnement concluait en juin que Québec n’avait pas l’obligation de dédommager l’industrie pétrolière et gazière, malgré l’interdiction annoncée de l’exploitation des hydrocarbures.

« Il y a plein d’organisations qui disent : “Tu ne vas pas demander aux contribuables de payer les entreprises pour qu’elles ne polluent pas et ne créent pas plus de dommages environnementaux”, déplore-t-il, mais lui s’est dit ouvert à sortir le chéquier, et ça, sans parler aux organisations, encore une fois. »

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Nombre de jours que passera François Legault à la COP26, de mardi à jeudi