La Ville en bannit 36 dont le Roundup, à base de glyphosate

En plus de bannir l’utilisation de 36 pesticides sur son territoire, Montréal en interdit la vente sur les rayons. Une première au Canada, selon la mairesse Valérie Plante.

« Il était temps. Enfin, on agit, a-t-elle lancé en conférence de presse, jeudi matin, au Jardin botanique. Montréal est la première ville au pays à aller aussi loin. Elle est la première à exercer un pouvoir qui est dans la cour des provinces. »

Ce nouveau règlement, accueilli par des bravos, mais aussi avec des réserves, doit être adopté à la fin de septembre et entrer en vigueur au début de 2022.

Le glyphosate, herbicide le plus fréquemment utilisé sur la planète, est au nombre des pesticides qui seront désormais interdits sur le territoire de la municipalité.

Au total, ce sont 109 produits qui devront être retirés des rayons avant le 1er janvier, dont le Roundup, à base de glyphosate.

« Les gens n’auront plus à se poser la question. On vient leur faciliter la vie », a expliqué Laurence Lavigne Lalonde, responsable de la transition écologique au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal.

Personne ne se lève le matin en se disant : “Je rêve d’étendre plein de pesticides sur mon terrain.” Les gens achètent ce qu’on leur propose. Et nous, on va leur proposer des produits qui fonctionnent, mais qui sont moins nocifs.

Laurence Lavigne Lalonde

Cette nouvelle réglementation touche aussi les agriculteurs et les horticulteurs, de même que les exterminateurs de certaines espèces nuisibles à l’extérieur des bâtiments.

De plus, les entreprises commerciales devront tenir un registre des pesticides utilisés et obtenir un permis annuel.

« Concrètement, avec le nouveau règlement, il sera impossible de vendre des pesticides domestiques les plus dangereux et d’utiliser en agriculture et en horticulture ornementale plusieurs substances parmi les plus nuisibles à la santé », a résumé la mairesse Plante.

Les contrevenants s’exposent à des amendes : de 500 $ à 1000 $ pour les individus, et de 1250 $ à 4000 $ pour les entreprises.

Des inspecteurs qui travaillent au sein des arrondissements veilleront à faire respecter le règlement.

Cela dit, la vente des pesticides bannis de Montréal ne sera pas interdite dans les municipalités voisines. Il sera donc assez facile pour la population de continuer à s’en procurer si elle le désire.

Valérie Plante convient que le règlement n’est pas parfait, mais estime que c’est un grand pas dans la bonne direction. Elle a dit souhaiter que d’autres villes adoptent des règlements semblables, tout en faisant remarquer que c’est peut-être plus facile à Montréal, où le nombre de terres agricoles est limité.

La métropole compte une vingtaine de fermes, dont une seule est conventionnelle. Toutes les autres font de l’agriculture biologique.

« Le symbole est important, a-t-elle affirmé. Montréal est la première ville au Québec, au Canada. On souhaite que d’autres villes, d’autres provinces lui emboîtent le pas. Ça veut dire que les gouvernements supérieurs doivent s’impliquer pour donner des incitatifs financiers aux municipalités, aux producteurs agricoles, pour faire cette transition. Il ne faut pas les abandonner ; il faut les accompagner. »

En attendant, il y aura des exceptions. Les golfs, par exemple, ne seront pas soumis au règlement. La Ville estime qu’il est difficile d’interdire les pesticides sur les terrains d’etraînement parce qu’elle ne détient pas suffisamment d’informations sur les produits pouvant être utilisés. Un projet de recherche est en cours en collaboration avec l’Université Laval.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

Vigilance OGM avait tenu une action symbolique le 31 juillet dernier contre la vente de produits contenant du glyphosate.

Félicitations et réserves

Cette annonce a suscité de nombreuses réactions. Des félicitations, mais aussi quelques réserves.

« Interdire les pesticides à base de glyphosate est essentiel quand on sait que, malgré les évidences, Bayer continue de nier la toxicité de son produit phare », a réagi Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM, par communiqué.

« Le gouvernement provincial devrait suivre l’exemple de Montréal et étendre l’interdiction à l’ensemble du Québec », a renchéri Olivier Therrien, responsable à la mobilisation de Ma municipalité sans pesticides, dans le même document.

La Société pour la nature et les parcs Québec s’est aussi réjouie de la décision de la métropole. « La science avance, et le principe de précaution doit prévaloir. Bravo [à la Ville de Montréal et à Valérie Plante]. Ça prenait du courage », peut-on lire dans une publication Twitter de l’organisation.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) estime, quant à elle, que la Ville de Montréal aurait dû prévoir une exemption de la nouvelle réglementation pour les activités agricoles. Les zones agricoles de la métropole totalisent 1158 hectares.

Les zones agricoles de la métropole totalisent 1158 hectares. Les terrains de golf de Montréal, eux, occupaient une superficie de 1250 hectares en 2016, selon les données de la Communauté métropolitaine de Montréal.

« Le questionnement des consommateurs sur les pesticides est tout à fait légitime et compréhensible. Il reste que l’usage de ces produits, en certaines circonstances et de façon prudente et raisonnée, est encore aujourd’hui une nécessité compte tenu des connaissances scientifiques actuelles », a affirmé le président général de l’UPA, Marcel Groleau, dans un communiqué.

La nouvelle réglementation est une « excellente chose » selon Louise Vandelac, professeure au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et directrice du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives.

« Il faudra voir quelles seront les réactions et, éventuellement, les interventions en justice », fait observer Mme Vandelac. « Mais, chose certaine, ça indique à quel point il est anormal que les instances supérieures […] n’aient pas fait le travail requis », ajoute-t-elle, en soulignant que c’est la mobilisation de nombreux résidants qui a mis au grand jour la dangerosité de certains pesticides.

20 %

Proportion des ménages canadiens ayant une pelouse ou un jardin qui a déclaré avoir utilisé des pesticides chimiques en 2019

Source : gouvernement du Canada

15 ppm

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada a proposé d’augmenter la limite de glyphosate dans les haricots secs de 4 à 15 parties par million en juillet dernier

Source : gouvernement du Canada