(Notre-Dame-des-Neiges ) Un projet pour faciliter la relève agricole et enrayer l’érosion de la population a un effet secondaire bénéfique dans la MRC des Basques, celui d’encourager une agriculture à échelle humaine et moins industrielle.

Son nom : motel agricole.

Calqué sur le modèle du motel industriel, qui consiste à fournir des bâtiments à de nouvelles entreprises pour les aider à démarrer, le motel agricole loue des parcelles de terre à des maraîchers en herbe, tracteur inclus.

La MRC des Basques, qui regroupe 11 municipalités, dont Trois-Pistoles, a conçu ce projet pour répondre à la demande, toujours plus grande, de jeunes qui souhaitent faire un retour à la terre.

« Nous, on voyait arriver une foule de jeunes qui se sont inscrits dans les écoles d’agriculture et qui, comme nous dans notre jeune temps, voulaient révolutionner le monde », explique le préfet de la MRC des Basques, Bertin Denis.

« On a vécu, au cours des 40 dernières années, un exode des gens vers la ville. Et là, on assiste à un exode inverse parce que des gens veulent changer le monde, comme nous, on voulait changer le monde, probablement. Ils veulent la verdure, la terre, la nature, plein de choses. Ils veulent revenir à l’agriculture, la saine alimentation, l’alimentation de proximité. »

Mais ces jeunes-là n’ont pas d’argent. Ils ne sont pas capables d’acheter une entreprise déjà en production. Et ce n’est pas le modèle qu’ils valorisent. On a cherché une façon pour être capables de leur répondre. C’est là qu’en remue-méninges, on a dit : "Pourquoi notre modèle de parc industriel ne servirait pas pour un modèle de motel agricole ?"

Bertin Denis, préfet de la MRC des Basques

Une terre de 160 acres

Le projet était né. Mais, pour le réaliser, la MRC devait trouver du financement, recruter du personnel et acheter une terre. C’est maintenant chose faite. L’offre d’achat a été déposée en décembre 2020 et la transaction vient d’être conclue. Il ne reste plus qu’à passer chez le notaire. La terre acquise appartenait à un fonctionnaire à la retraite, à Notre-Dame-des-Neiges, à 5 minutes de Trois-Pistoles. Elle fait 160 acres, dont 30 acres boisés.

« C’est plusieurs terrains de football, illustre Giovanny Lebel, agent de développement agricole à la MRC des Basques. On peut subdiviser la terre et la louer. À la limite, il y a un bâtiment qui pourrait servir à une production animale. On va étudier les projets à mesure qu’ils vont entrer. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Ce bâtiment pourrait servir à une production animale.

L’avantage, poursuit M. Lebel, c’est que ça va être moins cher pour les agriculteurs qui pourront louer quelques acres, en fonction de leurs besoins, et partager la machinerie.

« Les locataires n’auront pas besoin d’acheter un tracteur, on va en acheter un qu’on va leur louer, donne-t-il en exemple. On va de beaucoup diminuer les coûts d’installation et de production de ces personnes-là. Et on pense être capables de leur louer à un prix très raisonnable. Plus ils vont être nombreux, moins ça va coûter cher. »

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Rebecca Roy et Giovanny Lebel, agent de développement agricole de la MRC des Basques

La MRC ne refusera pas de projets « qui vont avoir de l’allure », prévient M. Lebel, mais elle aura un droit de regard sur les pratiques et l’utilisation des pesticides.

De l’agriculture socioécologique

Rebecca Roy, technicienne en agriculture biologique et étudiante en travail social à l’Université Laval, sera la toute première locataire. Elle veut faire de l’agriculture socioécologique : cultiver des petits fruits émergents – camerise, amélanche et cassis – et des courges d’hiver, tout en donnant des ateliers à des jeunes sur une foule de sujets qui n’ont rien à voir avec l’agriculture.

« Le but serait de travailler avec les écoles et les organismes du coin pour faire de l’éducation populaire, avec une vision holistique de la santé », explique la femme de 29 ans.

« Ce que je vise, ça serait une matinée de taille d’arbres fruitiers à la ferme. On fait ensuite un pique-nique avec les jeunes du secondaire. Après ça, on a une conversation sur le consentement éclairé, les relations interpersonnelles, ou encore des thématiques comme la consommation de cannabis et d’alcool dans les partys qu’on n’aborde pas assez, malheureusement. »

Une chose ne fait pas de doute dans son esprit : ce projet ne pourrait pas voir le jour si le motel agricole n’existait pas.

« Je ne viens pas d’un milieu agricole, précise-t-elle. Donc, je n’ai pas accès à la terre. C’est vraiment difficile pour les jeunes de la relève agricole d’acquérir une terre. Avec la pandémie, les prix ont tellement augmenté. »

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Et acheter une terre, ce n’est pas tout. Ça prend pas mal de machinerie et des bâtiments. Le fait que je puisse louer toute la machinerie sur place, ça change vraiment tout, en fait.

Rebecca Roy

Rebecca Roy compte vendre une partie de ses récoltes pour rembourser les charges liées à son entreprise, mais veut en donner près de la moitié à des organismes visant la sécurité alimentaire dans Les Basques. Son but n’est pas de faire de l’argent avec son verger, mais de créer son « propre contexte d’intervention sociale ».

« Ce sera mon deuxième revenu, dit-elle. Je fais juste ça pour amener une richesse sociale à ma MRC qui m’accueille et où je suis vraiment en train de m’enraciner. »

*Une correction a été apportée à ce texte après la publication : le nom et le prénom de Bertin Denis, préfet de la MRC des Basques, avaient été inversés dans la version initiale. Nos excuses.