L’année qui commence sera très occupée pour le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, qui anticipe des mandats « costauds ». L’organisme cherche aussi à rejoindre les jeunes, les femmes et les néo-Québécois. Entrevue avec son président, Philippe Bourke.

« Grosse année »

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) du Québec ne devrait pas chômer en 2020.

« C’est assurément une grosse année qui s’en vient », a déclaré le président de l’organisme, Philippe Bourke, lors d’une entrevue avec La Presse, fin décembre.

Il prévoit que le gouvernement demandera au BAPE de se pencher sur le projet GNL Québec, une usine de liquéfaction de gaz naturel au Saguenay et un gazoduc provenant de l’Ontario pour l’alimenter, ainsi que sur le projet du tramway de Québec.

Le BAPE pourrait aussi se voir confier l’étude du projet minier Nouveau Monde Graphite et d’une ligne de transport d’électricité visant l’exportation via le Maine.

À ces mandats probables, que Philippe Bourke qualifie de « costauds », s’ajoutent les trois qui ont été lancés récemment : l’état des lieux sur l’amiante, l’étude du projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement technique de Sainte-Sophie, dans les Laurentides, et l’étude du projet d’augmentation de la capacité du lieu de dépôt définitif de sols contaminés de Mascouche, dans Lanaudière.

Après un « creux » en 2018, le président du BAPE se réjouit de voir redémarrer la « machine à mandats » qu’est son organisme.

« Ce sont des bonnes nouvelles. »

Crise climatique

Après une année marquée par la montée de la mobilisation populaire face à la crise climatique et des élections fédérales durant lesquelles les enjeux environnementaux ont gagné en importance, le sujet rebondira inévitablement dans les travaux du BAPE.

Mais ce ne sera pas nouveau, précise Philippe Bourke, soulignant que, depuis 2008, 19 rapports du BAPE comportaient une section sur les changements climatiques.

C’est même obligatoire depuis la refonte de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, en 2018, précise-t-il.

L’initiateur d’un projet doit faire la démonstration, dans son évaluation environnementale, que des efforts sont faits pour réduire son incidence sur le réchauffement climatique.

Ce sujet « transversal » est donc « toujours au cœur » des mandats du BAPE, affirme Philippe Bourke.

Chacun des projets qu’on étudie a, d’une certaine façon, un lien important, rarement mineur, avec la crise climatique.

Philippe Bourke, président du BAPE

Élargir le public

Philippe Bourke veut par ailleurs que le BAPE rejoigne un plus large public, disant avoir constaté une « relativement faible participation » des jeunes adultes, des femmes et des communautés culturelles.

« On veut offrir un mode de participation plus adapté à leur réalité », dit-il.

Le BAPE s’est associé à l’Université Laval pour mesurer la diversité de la participation à ses travaux, mais aussi identifier à quelle étape il « perd » certains publics.

« Ça se pourrait très bien qu’on désigne une de nos commissions au cours de l’année pour utiliser ces mécanismes de mesure », affirme Philippe Bourke, qui se penche sur cet enjeu depuis son entrée en poste, il y a deux ans.

Déjà, le BAPE a réorganisé son site internet, « pour le rendre plus pratique pour le citoyen », a « systématisé » la webdiffusion de ses travaux et a testé une plateforme de participation en ligne.

Il a aussi développé sa présence sur les réseaux sociaux, malgré une réticence bien ancrée au sein de l’organisme, qui voulait « éviter de donner l’impression d’ouvrir des canaux de débat », explique Philippe Bourke. « On veut être le plus représentatif de la société québécoise. »

S’élever au-dessus de la mêlée

Dans cette époque d’« information instantanée », où il y a « beaucoup d’opinions, de polarisation », le BAPE permet aux Québécois « de s’élever au-dessus de la mêlée », affirme Philippe Bourke.

Avoir la chance d’avoir une institution comme le BAPE qui, par la loi, nous oblige à nous arrêter, aller chercher toute l’information […], c’est essentiel pour être capables de prendre une décision éclairée sur le long terme.

Philippe Bourke

« Il s’est construit toute une industrie de l’évaluation environnementale depuis que le BAPE existe », ce qui a relevé « de beaucoup » la qualité des études d’impact sur l’environnement faites par les initiateurs de projets, ajoute M. Bourke.

La participation du public, qui met en valeur « le savoir citoyen », est aussi un atout important du processus, insiste-t-il : « Quand on est dans une communauté, on apprend souvent des choses que l’initiateur de projet [n’avait pas identifiées] ».

Il importe donc pour lui d’améliorer la compréhension de ce que fait le BAPE, soulignant qu’« il y a encore des gens qui pensent que le BAPE est décisionnel », ou encore que d’autres croient qu’il aborde les questions environnementales uniquement sous l’angle écologique, alors qu’il étudie aussi les questions sociales et économiques.

Surtout, il compte redonner ses lettres de noblesse à une organisation qui suscite l’envie dans d’autres pays.

« J’aimerais ça que les Québécois soient aussi fiers du BAPE que les gens, ailleurs dans le monde, en sont jaloux. »