L’objectif « zéro déchet plastique » que le Canada vise pour 2030 est tout simplement impossible à atteindre, conclut un rapport de Greenpeace Canada, qui s’est penché sur les données utilisées par le gouvernement fédéral pour élaborer sa stratégie annoncée en octobre dernier.

Pour détourner l’essentiel des déchets de plastique de l’enfouissement, le Canada devrait construire plus de 160 nouvelles installations de recyclage, ce qui nécessiterait plus de 8 milliards de dollars d’investissement, souligne Greenpeace, citant les conclusions des firmes Deloitte et Cheminfo Services, mandatées par Ottawa.

« Ce scénario semble difficilement réalisable d’ici 2030 », affirme Greenpeace, qui rappelle que seulement 9 % des 3,2 millions de tonnes de déchets plastiques générés au Canada en 2016 ont été recyclées, de l’aveu même d’Ottawa — le reste a été surtout enfoui (86 %), incinéré (4 %) ou perdu dans la nature (1 %).

Ce taux de recyclage de 9 % est même surestimé, selon Greenpeace, puisqu’il compte le plastique converti en carburant, ce que l’organisation ne considère pas comme du recyclage.

Le « mythe » du recyclage

La stratégie fédérale est « vouée à l’échec » justement parce qu’elle repose sur le « mythe » voulant que la solution passe par le recyclage et qu’elle ne vise pas la réduction de la production de plastique vierge, affirme l’analyse de Greenpeace Canada.

« Il n’y a pas d’économie circulaire pour le plastique jetable », tranche Agnès LeRouzic, chargée de la campagne Océans et Plastique de Greenpeace Canada, dans un entretien avec La Presse.

Elle déplore le « casse-tête monumental » qu’est le recyclage du plastique et appelle à une réglementation plus stricte pour l’encadrer.

« Il y a une sacrée bonne partie de déchets qui sont dits recyclables, mais qui ne le sont pas », ce qui trompe les consommateurs, affirme Mme LeRouzic.

Tant qu’on croira que ça se recycle, on continuera d’en acheter.

Agnès LeRouzic, Greenpeace Canada

De plus, l’industrie canadienne du recyclage du plastique est présentement dominée par les procédés mécaniques, qui nécessitent un apport en matière vierge pour produire de nouveaux plastiques, relève Greenpeace.

L’organisation a calculé que la capacité des 32 plus grandes installations de recyclage au Canada ne correspond à l’heure actuelle qu’à un demi-million de tonnes par an, soit 17 % du total des déchets plastiques générés en 2016.

« Il est donc utopique de penser atteindre l’objectif zéro déchet de plastique d’ici 2030 en concentrant les solutions sur le recyclage », affirme Agnès LeRouzic, insistant sur l’importance de miser sur la réutilisation, les systèmes de recharge et la consigne des contenants pour pouvoir réduire la production de plastique à la source.

Subventions remises en question

Greenpeace déplore que la production de plastique vierge est davantage subventionnée que le recyclage, au Canada.

L’organisation a calculé que les entreprises canadiennes productrices de plastique vierge ont reçu 334 millions de dollars de subventions de la part des gouvernements fédéral et provinciaux depuis trois ans, contre 58,7 millions pour celles œuvrant dans le recyclage.

De ce montant, seulement 8,45 millions ont été destinés à soutenir des entreprises qui font du recyclage de plastique « en boucle fermée », c’est-à-dire pour refaire du plastique à partir de plastique.

Ce véritable recyclage est une industrie qui débute et qui aura besoin de temps et d’argent pour parvenir à fonctionner à l’échelle industrielle, souligne Greenpeace.

« Il y a de plus en plus de compagnies qui sont prêtes à innover, dit Mme LeRouzic, c’est là qu’on espère voir le gouvernement se tourner. »

Impacts nocifs sur la santé

Le recyclage comme la production du plastique polluent et ont des impacts sur les communautés où se trouvent ces industries, rappelle le rapport de Greenpeace, qui consacre son avant-propos au cas de la Première nation Aamjiwnaang, située près de Sarnia, dans la « vallée chimique » de l’Ontario.

« Des eaux toxiques impropres à la consommation, des sols contaminés qu’il est impossible de cultiver, et des déversements de benzène à proximité des installations communautaires comme le centre de petite enfance », sont autant de conséquences de la présence de l’industrie pétrochimique dans ce secteur, peut-on lire.

Une partie des déchets de plastique canadiens continuent aussi d’être exportés à l’étranger, dans des pays en développement « où les capacités de recyclage sont dérisoires aux vues des quantités de déchets à traiter », déplore Greenpeace, qui appelle à mettre fin à cette pratique.

Même l’élève modèle échoue

Même la Colombie-Britannique, qui est présentée comme l’élève modèle au Canada en matière de recyclage, ne parvient pas à enrayer la pollution par le plastique, relève Greenpeace. Moins de la moitié de 64 000 tonnes de plastique mises en circulation en 2019 dans la province ont été « recyclées » — incluant 8000 tonnes transformées en carburant —, alors que 55 % ont été enfouis, incinérés ou perdus dans la nature.

3,2 millions de tonnes : quantité de déchets de plastiques générée au Canada en 2016

9 % : taux de recyclage des déchets de plastique au Canada

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