À la quincaillerie familiale Moussette, dans Hochelaga-Maisonneuve, des résidants du coin viennent déposer leurs anciens pots de peinture à moitié utilisés. Et, leurs voisins peuvent faire l’inverse et choisir sur les tablettes la peinture qui a ainsi pu être recyclée qu’ils pourront acheter.

Mettre ses vieux pots de peinture dans son bac de recyclage a beau être interdit, ce produit peut malgré tout avoir une seconde vie. En effet, chaque année, près de 7 millions de kilos de peinture, contenants inclus, sont détournés des sites d’enfouissement grâce au programme Éco-peinture.

Il y a près de trois ans, la famille Mallette a mis la main sur la Quincaillerie Moussette, fondée en 1929 par Prospère Moussette. « Dans ce temps-là, ils ne vendaient certainement pas de peinture recyclée ! », rigole Olivier Mallette, directeur du commerce indépendant, affilié au réseau RONA.

Le commerce montréalais compte parmi les 1200 points de dépôt de peinture officiellement reconnus par Éco-peinture, l’organisme qui gère ce système de recyclage dans 735 municipalités québécoises.

Malgré ses 18 ans d’existence, le système est aujourd’hui bien rodé et en croissance.

Normand Maurice, pionnier

L’initiative vient de Normand Maurice, surnommé « le père de la récupération et du recyclage » au Québec, disparu en 2005. En 1997, au Centre de formation d’entreprise en récupération de Victoriaville, il développe l’idée d’un système de recyclage de peinture.

Il voyait la vieille peinture comme une ressource secondaire et non comme un déchet. C’était un précurseur.

Catherine Morency, porte-parole d’Éco-peinture, à propos de Normand Maurice

Son idée fait boule de neige. En 2001, Québec adopte un règlement sur la récupération et la revalorisation de la peinture. La même année, Éco-peinture voit le jour, fruit d’un ensemble d’entreprises qui mettent en marché de la peinture architecturale au Québec.

Le succès est presque instantané. « Quand le programme a commencé, on récupérait environ 2 millions de kilos de peinture et de contenants vides par année, avance Catherine Morency. Aujourd’hui, on est à près de 7 millions de kilos. »

De ce nombre, la peinture en tant que telle représente autour de 4 millions de kilos, assez pour peindre 320 000 maisons de 1000 pieds carrés !

Les chiffres témoignent du succès de l’initiative de Normand Maurice : depuis la fondation d’Éco-peinture, 92 millions de kilos de peinture et de contenants vides ont été recyclés.

Le circuit de la peinture

Au fin fond de la Quincaillerie Moussette se trouvent les bacs où s’entassent les vieux pots de peinture, déposés par les résidants du coin. Chaque semaine, ces pots sont ramassés et acheminés vers l’usine de traitement à Victoriaville.

Sur place, la peinture est triée selon la couleur, peu importent la qualité ou la provenance : on peut y retrouver de la peinture d’entrée de gamme, comme de la peinture de haute qualité vendue 65 $ le galon, pourvu que la couleur soit sensiblement la même. Des additifs sont ajoutés pour rehausser la qualité du produit, et le tour est joué.

Pour refaire le chemin vers les tablettes, l’entreprise Laurentides Re-Sources se charge de commercialiser le résultat. Dans des centaines de quincailleries partout au Québec, ses produits se retrouvent sous deux noms, Rona-Éco et Boomerang. Au bout du compte, dans chaque pot, vendu en moyenne 20 $, il y a un minimum de 80 % de peinture recyclée.

À la Quincaillerie Moussette, il se vend autour de 300 pots d’Éco-Rona par année.

Des murs neufs, la pollution en moins

Les bienfaits du recyclage de peinture ne sont plus à prouver.

Mis à part la réduction du gaspillage, le processus de recyclage génère quatre fois moins de composés organiques volatils (COV), source majeure de pollution de l’air et grand contributeur au smog, que la production de nouvelle peinture.

Il reste que le plus dommageable pour l’environnement, c’est ce qui arrive lorsque la peinture est traitée comme un déchet quelconque. « Le recyclage [de peinture], c’est avant tout la réduction de la contamination des sols et de la nappe phréatique qui peut être causée par l’enfouissement de la peinture et des contenants », indique Catherine Morency.

Encore des défis

Malgré le succès du système, certains défis subsistent.

D’abord, le programme gagnerait à être mieux connu, estime Catherine Morency. « C’est très accessible, mais souvent les gens ne le savent pas. Et quand ils ramènent leur peinture dans un point de dépôt, ils pensent que c’est jeté, alors que c’est envoyé au centre de recyclage à Victoriaville », dit-elle.

Ensuite, beaucoup de peinture est perdue, car elle n’est pas ramenée dans le pot d’origine, mais a été transposée dans d’autres contenants. Résultat : si la provenance du produit est inconnue, il termine au dépotoir.

De plus, « il y a beaucoup de gaspillage, parce que les gens ne savent pas calculer la quantité de peinture nécessaire pour leurs travaux, ajoute Catherine Morency. Alors souvent, ils en achètent plus que ce dont ils ont besoin. » Certains ramènent même des pots neufs, indique-t-elle. Le site d’Éco-peinture offre un calculateur qui permet de bien mesurer ses besoins avant d’acheter.

D’autres entreposent la peinture très, voire trop longtemps avant de la rapporter. La moyenne est de 10 ans, selon la porte-parole. Lorsque la peinture n’est pas gardée dans de bonnes conditions, elle arrive solide plutôt que liquide. Pas très pratique pour peindre.