Même s'il remplace de plus en plus le charbon dans les centrales thermiques, le gaz naturel ne permettra pas à lui seul de ralentir les changements climatiques.

C'est la conclusion de la plus importante étude à ce jour sur ce sujet, publiée cette semaine dans la revue Nature.

Cette conclusion bouscule les idées reçues au sujet des supposés bienfaits de l'abondance du gaz naturel, apparue avec l'exploitation des gisements de gaz de schiste.

Plusieurs hauts responsables politiques, y compris le président Barack Obama, ont affirmé ces dernières années que le gaz naturel pourrait être un carburant «propre» capable de faire un «pont» vers les énergies renouvelables.

Mais ils sont contredits par les calculs d'un groupe international de chercheurs dirigé par Haewon McJeon, du Pacific Northwest National Laboratory, un centre de recherche du gouvernement fédéral américain.

Ils affirment que l'abondance du gaz naturel, en l'absence de politiques climatiques strictes, nuira autant aux énergies vertes qu'aux énergies sales.

Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion en utilisant cinq simulateurs économiques différents pour vérifier l'impact d'une abondance de gaz sur le marché de l'énergie d'ici à 2050.

Résultat: le gaz remplacera 18% du charbon, mais aussi 17% des énergies à faibles émissions de carbone.

Ils ont aussi mesuré un autre effet pervers de l'abondance de gaz: le gaspillage.

«Des prix plus bas pour le gaz naturel accélèrent l'activité économique et réduisent l'attrait des mesures d'efficacité énergétique, affirment les chercheurs. Tous les modèles prédisent une plus grande consommation d'énergie primaire que dans les scénarios sans abondance de gaz.»

Donc, avec ou sans gaz naturel, en l'absence de réglementation contraignante, le réchauffement climatique franchira allègrement la limite de 2 degrés Celsius, convenue au Sommet de Copenhague en 2009, affirment les chercheurs.

Selon un éditorial publié simultanément dans Nature, la recherche de M. McJeon et ses collègues australiens et européens est «la démonstration la plus robuste à ce jour que les ressources grandissantes de gaz naturel ne nous aideront pas à éviter les changements climatiques».

Les résultats de la recherche n'étonnent pas Mark Jaccard, de l'Université Simon Fraser, un des plus grands experts canadiens de ces questions.

«On se doutait que l'impact du gaz sur le climat serait mitigé, au mieux, dit-il. Ce travail est très utile parce qu'il contredit les politiciens, qui répètent ce que l'industrie leur raconte pour justifier leurs politiques économiques.»

Un autre point à souligner, selon Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal: les émissions fugitives de gaz ne semblent pas faire une différence significative dans le bilan climatique.

«Le gaz naturel n'est pas le carburant de transition, selon ces études, pour réduire les gaz à effet de serre, dit-il. Mais plus de gaz de schiste ne vient pas empirer les choses, même en prenant des hauts taux d'émissions fugitives.»